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plupart au contraire ont proscrit les paramats, qui ne se rencontrent plus guère que dans les provinces anglaises. Il est difficile de dire quelle peut avoir été l’importance du mouvement suscité par ces novateurs, il est probable qu’il n’a ni une grande portée, ni surtout un grand avenir ; mais c’est un trait assurément curieux de l’histoire religieuse des Birmans.

Le roi actuel, Mendun-Min (prince de Mendoun), est fort zélé pour le bouddhisme ; c’est un savant qui a passé de longues années dans les couvens. Aussi paraît-il plutôt fait pour le cloître que pour le trône, et c’est comme malgré lui qu’il est devenu roi. Son frère aîné régnait, et son plus jeune frère, Tinke-Min, s’était formé un parti en rassemblant des bandits et des gens condamnés pour crimes. Le roi prononça une sentence de mort contre ce prince rebelle, et enveloppa dans la même condamnation son autre frère, tout inoffensif qu’il fût. Le plus jeune des deux condamnés engagea vivement son compagnon d’infortune à l’aider à détrôner leur ennemi commun ; mais l’indolent disciple des moines était résigné à tout, et se montrait plus disposé à mourir qu’à secouer son apathie et à engager la lutte. Enfin, après une scène émouvante, il se laisse entraîner. Tous deux sortent du palais malgré d’expresses défenses. Une sentinelle veut les arrêter à la porte. « Tu fais bien, lui dit Tinke-Min, car si tu nous laissais passer, ce tyran féroce te tuerait et exterminerait ta famille ; il vaut mieux que tu meures seul et de ma main. » Brandissant alors son épée à deux mains, il coupe le soldat en trois morceaux. Une fois dehors, il réunit ses partisans et vint assiéger Amarapoura, alors capitale. Le pays était épuisé par la guerre contre les Anglais, la ville n’avait pas de garnison, elle se rendit. Le vainqueur enleva la royauté à son frère aîné et la donna à son second frère, se contentant pour lui-même du titre de prince héritier. Quant au roi détrôné, il dut sans doute aux sentimens de douceur du nouveau souverain de n’être pas mis à mort. Il vit captif dans une des tours du palais de Mandalay, et consacre à des œuvres méritoires, à des constructions de ponts et de couvens, les sommes qui lui sont allouées pour son entretien.

Porté au trône par une révolution de palais où il n’a joué qu’un rôle passif, le nouveau roi mit sa plus grande gloire à faire fleurir le bouddhisme. Il a fait construire de l’autre côté de l’Iraouaddy une pagode immense, qui doit être la plus grande de tout le Birma. Pour favoriser l’observation des cinq préceptes, il a prohibé la vente et même la fabrication de toute liqueur enivrante. Cependant il paraît que les Birmans seuls sont soumis à cette interdiction : les Chinois en sont affranchis, ou parviennent à l’éluder, et l’on trouve dans leur