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avec un véritable héroïsme. Le célibat, la vie en commun, la tonsure des cheveux et de la barbe, l’habit jaune, l’absence de propriété individuelle, la mendicité, sont les traits généraux qui les caractérisent.

Ce clergé régulier présente une hiérarchie assez compliquée ; on ne peut y être admis qu’après avoir passé par l’état de novice, et il y a parmi les moines divers grades, déterminés soit par le degré de science qu’ils ont atteint, soit par les attributions qui leur sont conférées dans le gouvernement religieux. Chaque couvent a un directeur ou abbé, et certains abbés ont une surveillance à exercer sur des groupes plus ou moins considérables de monastères ; ce qui constitue des dignités analogues à celles des évêques et des archevêques. Enfin, au sommet de la hiérarchie, est placé une sorte de pontife suprême, qui réside dans la capitale, et qui est comme le pape ou le primat du clergé bouddhique birman. Toute cette population de moines, dont le nombre, toujours croissant, est une cause d’appauvrissement pour le pays, vit aux dépens du public ; seulement elle lui donne en retour les bienfaits de l’instruction. Il n’y a pas d’autres écoles que les couvens, mais tous les enfans les fréquentent et y apprennent au moins à lire et à écrire. Il n’est donc pour ainsi dire pas de Birman qui n’ait passé quelques années de sa vie dans les monastères, et n’y ait fait l’apprentissage de la vie cénobitique. Ceux qui finissent par l’adopter ont toujours la faculté d’y renoncer et de rentrer dans la société laïque.

Malgré cette instruction élémentaire si largement répandue, le peuple birman est plongé dans une profonde ignorance. Cela vient sans doute de ce que le bouddhisme, ayant résolu toutes les questions scientifiques et religieuses avec une autorité prétendue infaillible, quoique presque toujours en défaut, ne laisse plus de place aux efforts de l’intelligence. Il faut reconnaître aussi que sa métaphysique étant au-dessus de la portée des esprits ordinaires, les études un peu élevées sont interdites au plus grand nombre, condamné à se repaître de superstitions ridicules. Il existe en effet à côté du bouddhisme tout un ensemble de croyances populaires qu’il laisse fleurir en paix et qu’on peut appeler le culte des génies. Ces génies jouent un très grand rôle à Birma ; on en met partout, dans l’air, dans l’eau, dans le bois, dans la pierre et jusque dans les murs des maisons. Leur intervention est la cause de tout ce qui arrive. Nombre de cérémonies et de pratiques ont pour objet de fléchir et de gagner ces puissances invisibles : le pays est couvert de chapelles où l’on vient les adorer et leur porter des offrandes. Le rite le plus affreux provoqué par cette superstition est celui des sacrifices humains : on s’imagine qu’un mort est transformé en génie, et qu’il