Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

perte de plusieurs provinces que la proximité et la consolidation de la domination britannique qui constitue pour Birma un danger sérieux. Toute la côte maritime et la partie inférieure des cours d’eau sont aujourd’hui au pouvoir des Anglais. Cette position seule leur donne une immense supériorité. Qui sait ce qui en résultera ? Il suffira de légers dissentimens pour que, de cession en cession, ou, si l’on aime mieux, d’annexion en annexion, le peuple birman passe tout entier sous l’obéissance du gouvernement anglais, et les désordres dont le Birma est trop souvent le théâtre ne sont propres qu’à hâter ce changement. A l’heure où nous écrivons, ce pays est en proie à la guerre civile, une révolte a éclaté, le palais du roi a été le théâtre de scènes sanglantes. Les rebelles, après avoir été sur le point de réussir, ont été repoussés, mais non vaincus, et ils s’efforcent en ce moment de provoquer un soulèvement dans les provinces. L’attitude des autorités anglaises en présence de ces événemens, leur mauvais vouloir visible à l’égard du gouvernement actuel, le langage de leurs journaux, en particulier de la Gazette of Rangoon et du Times of India, témoignent de dispositions menaçantes. Il est naturel que les Anglais désirent se rendre maîtres des provinces birmanes qui séparent l’Inde de la Chine et du Cambodge, où la présence d’une commission française d’exploration les inquiète. Le Times of India déclare nettement que « le moment est venu de mettre un terme à ces discordes. » Cet avertissement, dont le sens est facile à comprendre, pourrait bien être suivi d’une prompte exécution. Il est d’autant plus opportun d’étudier le pays pendant qu’il jouit encore de son indépendance et nous présente le tableau d’une civilisation originale, que l’influence européenne n’a pas eu jusqu’ici le temps de modifier par une action directe, pressante, continuelle.

On ne saurait d’ailleurs faire cette étude sous la conduite d’un guide plus éclairé et plus instructif que M. Bastian. M. Adolf Bastian, médecin de Brème, après avoir exploré l’Amérique, est allé visiter l’extrême Orient, qu’il a parcouru pendant quatre ans, de 1861 à 1865. Il a commencé son voyage par l’Indo-Chine, l’a poursuivi à travers le Japon et la Chine propre, et l’a achevé en parcourant la Mongolie et la Sibérie. Il nous promet le récit de ses pérégrinations à travers toutes ces contrées en même temps qu’une étude approfondie sur le bouddhisme, religion pratiquée d’une manière plus ou moins complète dans les pays qu’il a parcourus, et principal objet de ses recherches : son voyage dans le Birma est la seule partie de ce grand ouvrage qui ait encore paru. M. Bastian remonta l’Iraouaddy jusqu’à Mandalay, la capitale actuelle. Il y fut honoré de l’hospitalité royale et fit un assez long séjour dans le