Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lutté pour maintenir une domination presque toujours contestée et, malgré des périodes brillantes, souvent compromise ou même temporairement anéantie. Ils se vantent de descendre des dieux du ciel de Brahma, et c’est de ce mot qu’ils font dériver leur nom national. Cette prétention se rattache aux légendes du bouddhisme, apporté de l’Inde par les missionnaires d’Açôka, roi de Magadha, qui fut au IIIe siècle avant notre ère un des plus zélés propagateurs de la religion de Çakya-Mouni ou Gautama, comme l’appellent les bouddhistes du sud, et elle atteste une culture, peut-être même une origine indiennes. Les Pégouans placent aussi dans l’Inde leur berceau, car d’après leurs traditions le Pégou aurait été conquis sur les eaux par une colonie venue à travers la mer de la côte orientale de l’Hindoustan ; mais c’est par terre que serait venue l’émigration qui aurait donné naissance au peuple birman. Aussi sa capitale fut-elle originairement établie à Tagoung dans le nord ; plus tard, elle fut transportée beaucoup plus au sud, à Prome ; depuis, elle a souvent changé de place entre ces deux points extrêmes. Vicissitudes singulières, qui s’expliquent par les revers de l’empire, les guerres civiles et étrangères qui l’ont désolé, autant que par les craintes superstitieuses du peuple ! La capitale, une fois détruite, ne pouvait être rebâtie qu’à une distance assez considérable de l’emplacement primitif, désormais livré à de mauvais génies ; il est même arrivé que des capitales florissantes ont été abandonnées sur la seule autorité d’un présage. Les catastrophes abondent dans l’histoire des Birmans, elles s’y croisent avec les succès, et les guerres qu’ils ont soutenues contre leurs voisins immédiats et contre les états plus puissans de Siam et de Chine sont signalées par des revers désastreux autant que par d’éclatans triomphes. Il y a cent ans, les Pégouans venaient de prendre Ava, la capitale du Birma : l’indépendance nationale était détruite ; mais un soldat de fortune, Alompra, releva le trône, rallia les forces dispersées de Birma, et Ava fut repris presque aussitôt que perdu ; en quelques années, les Birmans étendaient leur domination sur tous les pays voisins, ils faisaient même la conquête du Siam, et la ville de Youthia, qui en était alors la capitale, ne s’est pas relevée de l’état de ruine où ils l’ont mise en 1767.

Une autre puissance cependant, l’empire anglais de l’Inde, se formait en même temps que l’empire birman ; les deux états s’agrandissaient ensemble, devenaient voisins, bientôt ennemis, et en moins d’un demi-siècle, après deux guerres malheureuses, les Birmans étaient obligés de céder à l’Angleterre trois importantes conquêtes, l’Assam, l’Aracan et le Pégou, le territoire birman avait même été entamé par cette cession. Du reste c’est bien moins la