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seulement procure le déboire d’une abdication forcée, mais a coûté encore la raison et peut-être la vie même d’une illustre compagne. D’ailleurs la dépêche du maréchal Bazaine et du général Castelnau insérée au Moniteur montre que les incertitudes de l’empereur ne retardent point nos apprêts d’évacuation. Une question se présentait au dernier moment, surtout après la mission du général Sherman et de M. Campbell, et après le message du président Johnson; c’était celle-ci : quel rôle les Américains vont-ils jouer au Mexique après la cessation de l’intervention française? Cette question a marché depuis le message présidentiel. Au moment où le message a été écrit et où sont partis MM. Sherman et Campbell, il semble que le cabinet de Washington n’était point encore exactement ou officiellement informé des projets de la France. M. Seward feignait de s’en tenir aux avis donnés par notre gouvernement au mois d’avril, et suivant lesquels l’évacuation devait s’opérer en trois fois et commencer dès le mois de novembre. Il n’avait point été prévenu officiellement du changement survenu dans les dispositions françaises; il ne savait point que le système de l’évacuation en masse avait remplacé celui de l’évacuation partielle, et que le départ de la totalité de nos troupes serait ainsi ajourné au mois de mars. Dans cette ignorance affectée, M. Seward demanda des explications sur le retard mis à notre départ, promis pour le mois de décembre, et eut le luxueux caprice d’envoyer par le câble transatlantique la dépêche de plusieurs milliers de mots dont les journaux ont parlé. Ce malentendu devait être levé bien vite. Au fond, la résolution prise par le cabinet des Tuileries d’effectuer l’évacuation en masse satisfait bien mieux encore que le rapatriement successif les vœux du gouvernement américain, car il assure d’une façon décisive l’abandon total du Mexique par la France. Les choses ainsi éclaircies, l’entente doit s’établir aisément entre la France et les États-Unis. Comme nous le pressentions à la première annonce de la» mission de MM. Sherman et Campbell, cette mission serait destinée à nous aider dans les circonstances où va se trouver le Mexique à notre départ. Les républicains mexicains auront certainement une très grande déférence pour les représentans des États-Unis. Ceux-ci, agissant de concert avec nous, seconderont à Mexico la formation d’un gouvernement intérimaire, lequel adoptera les mesures nécessaires pour faciliter la transition du régime impérial au régime républicain. Ce gouvernement provisoire aura à présider aux élections et à la réunion de l’assemblée d’où devra sortir la nouvelle constitution mexicaine. Les États-Unis et la France combineront leurs efforts pour amener les divers partis mexicains à cesser toute lutte nouvelle et à se soumettre au verdict régulier du pays. On ne pourrait qu’applaudir à un pareil accord de la France et des États-Unis. Si nous avions eu dans la république américaine la confiance qu’elle mérite, nous nous fussions épargné la faute éternellement regrettable de l’expédition mexicaine. C’est à la première réparation de cette faute, il y a lieu de l’espérer, que nous allons être aidés