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d’exiger de l’église des abdications de principes, des adhésions actives à des pactes contraires à ses dogmes et à sa tradition ; cette inconséquence a été commise tant que l’on a harcelé Pie IX pour obtenir de lui la réalisation dans ses états de réformes politiques et civiles qui étaient incompatibles avec les lois invariables de l’église. La cour de Rome n’étant plus soumise à la protection armée de la France, il n’y a plus de prétexte pour renouveler auprès d’elle des sollicitations impuissantes et tracassières. Que l’on ne se dépite donc point à Florence de l’obstination dogmatique de la cour de Rome: pour la pratique, on peut tirer tout le parti utile de la résignation de cette cour aux faits qu’elle ne peut empêcher. Qu’on tolère les protestations où depuis si longtemps ont été embaumés tant de droits anciens, protestations malgré lesquelles les droits modernes ont toujours prévalu à leur aise. Les conflits sur les prétentions inconciliables étant ainsi évités ou conjurés, il reste dans l’ordre des intérêts et des affaires un grand nombre de points sur lesquels le gouvernement italien et la cour de Rome peuvent s’entendre utilement. A défaut de M. Vegezzi, M. Tonello est envoyé en ce moment à Rome pour négocier un rapprochement de ce genre. Le cabinet de Florence a donné à la cour de Rome une large avance et une preuve rare de son respect pour la liberté de l’église en accordant aux évêques réfractaires le droit de rentrer dans leurs diocèses, en offrant de renoncer au droit d’initiative de l’état dans la nomination des évêques et au contrôle sur les publications épiscopales. Cette libéralité du gouvernement italien sur les matières qui intéressent le plus délicatement la conscience du saint-père ne peut, ce semble, manquer d’obtenir de la cour de Rome une certaine réciprocité. Ce gouvernement ne peut point, par exemple, fermer l’oreille à des propositions qui ont pour objet de faciliter les relations utiles entre ses sujets et les Italiens; il ne peut se refuser à des arrangemens douaniers nécessaires aux échanges commerciaux et à la subsistance même des populations romaines; les embarras de la circulation monétaire et l’impuissance de la banque romaine lui font un devoir d’aviser aux mesures qui pourraient assurer aux Romains le concours de la Banque d’Italie. Il y a là, pour commencer, dans l’ordre des intérêts matériels une multitude de points de contact entre l’Italie et la cour de Rome qui prescrivent les bons rapports, et qui offrent une occasion naturelle de les entamer sans offense pour la dignité des gouvernemens. En dépit des dissentimens réservés, l’habitude de se rencontrer, de s’entendre, de concerter des mesures communes sur ce qu’on pourrait appeler les nécessités de la vie matérielle, doit mener les choses plus loin. Cette expérience pratique apportera des démonstrations fécondes à l’Italie et à la cour de Rome : elle apprendra à celle-là qu’elle peut modérer ses impatiences sans dommage pour sa prospérité intérieure; elle enseignera à celle-ci qu’elle peut se dessaisir avantageusement de plusieurs attributions administratives, sans compromettre en rien la mesure d’indépendance né-