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exaltation, la résignation pathétique avec lesquelles Pie IX remplit le rôle que la Providence lui a donné. Quoi de plus émouvant que ses adieux aux officiers des troupes françaises partant de Rome? L’âme du pape y montre un incomparable mélange de tristesse et de bénignité. Cette allocution réunit tant de dignité, de sensibilité et de charme, qu’elle achève pour ainsi dire par une conclusion esthétique l’épisode de notre intervention à Rome. L’auguste vieillard ne cache point la crainte douloureuse et vague que la révolution lui inspire; le pressentiment des difficultés prochaines se mêle au souvenir de la sécurité précaire dont il s’est cru redevable pendant dix-sept ans à la présence de nos soldats; il n’est point cependant irrité contre l’avenir; il l’attend incertain.— « Que dire et que faire? » — Il s’en remet à la Providence; il couvre de ses bénédictions et de ses prières et ceux qui lui ont prêté une docile assistance et ceux à qui il reproche peut-être dans le secret de son cœur un trop prompt abandon. Après ce discours, où s’est exhalée avec tant de douceur une si grande tristesse, on voudrait répéter à Pie IX ces paroles sympathiques dont furent accompagnés les beaux débuts de son pontificat : « Courage, saint-père! » Courage! lui dirait-on encore; que la révolution ne vous inspire point d’alarmes : cette révolution n’a point de haine contre les personnes, et elle sait vous rendre le respect dont vous êtes digne. Elle n’agit que contre des idées et des combinaisons politiques variables et passagères, qui ont perdu les élémens de la vie, et dont la chute ne peut entraîner la ruine des principes religieux sur lesquels votre inébranlable foi se repose.

Certes nous ne demanderons point au pape de sonder l’avenir, de prévoir les modifications que la nouvelle situation du saint-siège devra entraîner dans le gouvernement de l’église catholique, et d’accepter d’avance des changemens qui seront l’œuvre lente et compliquée du temps. Pour un pontife chrétien, cette phase nouvelle du développement du catholicisme ne saurait être la matière de spéculations aventureuses et prématurées. De tels soins sont l’affaire de la Providence. Ce qu’on est en droit d’attendre du pape, c’est que, dans les nouveaux rapports qu’il devra ouvrir avec l’Italie, il montre un esprit de conciliation véritable. Ici la cour de Rome et l’Italie vont se trouver placées dans un ordre de faits et d’idées régis par les intérêts positifs et urgens du présent. La papauté peut mettre à l’abri celles de ses prétentions absolues auxquelles les événemens ont donné tort par des protestations affirmant l’idée qu’elle a de ses droits; ce système de réserve des droits par lequel l’église met pour ainsi dire sa conscience en règle avec les principes, sauf à subir passivement ensuite dans le domaine de la réalité des faits qui lui déplaisent, est ancien, et a depuis longtemps rendu d’importans services à la cause de la paix entre les églises et les états. Nous en savons quelque chose en France; c’est à la faveur d’un compromis de ce genre que règnent chez nous le concordat et le règlement organique qui l’accompagne. Il est absurde et injuste aux pouvoirs civils