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cheveux, elle fait sa prière, que Properce a soin de lui dicter et où il ne s’oublie pas ; puis elle brûle de l’encens sur son autel domestique, promène dans toute la maison une flamme purifiante. On la voit aussi, un autre jour, aller s’asseoir dans les temples devant les statues des dieux ; mais toute cette dévotion est une dévotion italienne qui n’empêche rien. Après la pieuse matinée qu’il vient de décrire, Properce fait le récit de la folle nuit qui la suivra et dans laquelle figureront les coupes de vin, les parfums, les danses emportées, les libres propos, un bruit à être entendu dans la rue et à empêcher de dormir les voisins. Une autre fois des pratiques religieuses du culte égyptien séparent pendant plusieurs jours Cinthie de son amant. On se sépare encore à Rome durant certaines solennités.

Quelles que fussent l’élégance de ces femmes et leur culture, elles passaient la nuit à jouer et buvaient volontiers ; leur demeure voit bien des scènes de désordre, et quelquefois des scènes assez brutales. Les amoureux qui viennent les supplier d’ouvrir leur porte, au-dessus de laquelle ils suspendent des couronnes, heurtent violemment à ces portes ou les enfoncent, brisent les volets des fenêtres, et, parfois ivres, font dans la rue un grand tapage. Ces vacarmes nocturnes avaient lieu surtout dans la Subura, quartier mal famé, bruyant toute la nuit, où demeurait, à ce qu’il semble, la belle Cinthie, chez laquelle Properce montait quelquefois au moyen d’une échelle de corde.

Properce a raconté assez vivement une de ces scènes dont je parlais tout à l’heure, et cette fois l’emportement et la violence furent le fait, non de l’amant jaloux, mais de la maîtresse irritée ; c’est qu’aussi l’amant était bien coupable. Cinthie était allée à Lanuvium assister à une vieille solennité religieuse, dans laquelle des jeunes filles allaient en tremblant donner à manger à un serpent, qui ne leur faisait aucun mal, si elles étaient innocentes, une des mille versions, de la coupe enchantée. Pendant cette course pieuse, faite au grand galop sur les dalles de la voie Appienne, — on dirait une minente se rendant en carrattelle à la fête du Divino Amore, — Cinthie s’est arrêtée dans une auberge de la route, où il s’est passé des choses dont Properce rougit. Indigné, il a voulu se venger, et il a fait venir deux belles, l’une, Phyllis, de Laventin, quartier autrefois populaire, l’autre, Teïa, qui habitait sur le Capitole entre les deux bois sacrés, ce qui prouve que les bois, plus anciens que Rome, existaient encore, et aussi que le Capitole était alors habité, et par qui ! Phyllis et Teïa aiment à boire, et alors ne respectent rien. Suit la peinture un peu trop vive de cette débauche, rien n’y manque. Il y a là un joueur de flûte. Phyllis fait retentir les crotales, comme une Romaine les castagnettes. Le sol est semé de roses. On boit, on