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religieuse de l’antiquité. Si l’on joint aux grandes solennités dont j’ai parlé des solennités politiques comme les fériés latines, des fêtes populaires comme les Compitalia[1], la fête des carrefours dans laquelle on offrait des gâteaux de miel aux dieux lares ; si l’on compte les anniversaires des dédicaces de temples et ceux de grands événemens historiques, ou de journées mémorables dans la vie des empereurs, on aura une idée des phases de l’année romaine dans l’antiquité. Ceux qui ont passé un an à Rome y retrouveront quelque chose des physionomies successives qu’offre aussi l’année dans la Rome moderne, l’un des grands intérêts d’un séjour prolongé dans cette ville.

Les diverses saisons de Rome passent devant nous dans les vers des poètes romains. Voici l’hiver : Horace se tient chez lui, regardant par sa fenêtre le Soracte chargé de neige, commandant à son esclave de mettre force bois au feu. Le Soracte chargé de neige, événement rare, n’est pas sans exemple ; mais plusieurs autres détails descriptifs montrent que l’hiver était plus rigoureux à Rome que de nos jours, et qu’il en était encore ainsi au temps d’Auguste. Quand Horace dit pour annoncer le printemps : « Les neiges ont fui, l’herbe reparaît dans les champs, »

Diffugere nives, redeunt jam gramina campis,

il parle comme si les neiges avaient séjourné sur le sol et si l’herbe avait disparu des champs, ce qui n’a pas lieu aujourd’hui. La neige ne séjourne point à Rome ; on y voit de l’herbe et on y peut même cueillir de petites fleurs toute l’année.

Horace souffre des ardeurs de l’été, de cet été brûlant dont Properce peint si bien les accablantes ardeurs. C’est alors qu’il va chercher la fraîcheur à Préneste, à Tibur, dans sa petite villa de la Sabine. La fraîcheur de l’ombre et des eaux, que lui et Virgile aiment à rendre par le mot gelidus, est bien celle qu’on éprouve à Rome ou aux environs, et que l’ardeur du soleil fait sentir si vivement par contraste. Properce en souffre, surtout pour Cinthie, qui est malade.

Enfin l’automne, malsain au commencement jusqu’à ce qu’aient tombé les pluies, l’automne, trop souvent funeste, est appelé mortel par Horace. Il applique la dénomination de plumbeus auster au vent du sud-est, et il est impossible de rendre plus exactement l’impression que cause ce vent de plomb qu’on appelle le sirocco.

La vie élégante de Rome est tout entière dans Horace, dans Ovide, dans Tibulle, dans Properce : Mécène est traîné en cabriolet

  1. Den. Hal., IV, 14.