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difficilement comprimés à Pernambuco, menacent de se renouveler. Qu’on n’en doute pas, un jour ou l’autre il faudra que le Brésil paie la redoutable rançon de l’esclavage.

Les péripéties de la lutte ont eu pour conséquence d’unir le Paraguay aux républiques voisines en lui donnant des intérêts pressans communs avec les leurs. Lorsque l’avant-garde du général Lopez occupa la ville et la province de Corrientes, c’est le drapeau provincial qui fut hissé sur tous les édifices ; des bataillons correntins s’organisèrent, et nombre de chefs argentins et orientaux, tels que les colonels Lopez et Laguna, entrèrent dans l’armée paraguayenne, qu’ils considéraient comme une armée de libérateurs. Il est probable aussi que les récentes insurrections des provinces de Cordova et de Catamarca se rattachent à la cause commune défendue surtout par le Paraguay. D’un autre côté, ce dernier pays s’est aussi rapproché d’une contrée dont le sépare une zone de marais et de déserts jadis infranchissables. Pour la première fois depuis une génération, des envoyés de la Bolivie ont parcouru les plaines en partie noyées qui s’étendent entre le pied des Andes et le cours du fleuve Paraguay, et sont heureusement arrivés a l’Assomption, où ils ont été fêtés avec de grandes démonstrations de joie. D’après un bruit qui a pris une certaine consistance en Amérique, ils auraient même rapporté en Bolivie l’adhésion du président Lopez à la ligue américaine. Quoi qu’il en soit, ils ont du moins ouvert une nouvelle voie à travers les solitudes de l’Amérique, ils ont mis en rapport deux peuples naguère isolés l’un de l’autre et levé le blocus absolu que la flotte et l’armée brésilienne maintenaient autour du Paraguay. C’est maintenant par les Andes et la Mer du Sud que le gouvernement de l’Assomption communique avec le reste du monde.

Un autre fait des plus importans dans l’histoire de l’Amérique du Sud, c’est que les républiques andines, débarrassées de leurs difficultés immédiates avec l’Espagne, tournent maintenant leur attention vers le Paraguay et prennent contre l’empire brésilien une ferme attitude. Au milieu de ses plus graves embarras politiques, le Chili, croyant avoir à se plaindre des gouvernemens alliés, rappelait avec éclat son ambassadeur accrédité à Montevideo. Depuis cette époque, l’autorité morale que les insuccès des amiraux Pareja et Nuñez ont donnée aux républiques occidentales de l’Amérique du Sud a naturellement rendu le Brésil très désireux de ne pas rompre avec ces états ; mais ceux-ci, devenus forts par leur entente, n’en précisent pas moins leur politique en faveur du Paraguay. Ils ont d’abord offert leur médiation ; mais, lorsqu’ils ont connu les clauses secrètes du traité du 1er mai, ils ont remplacé leurs offres amicales par une protestation solennelle, faite en leur propre nom et au nom