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événemens de toute sorte, un deuxième congrès, composé des plénipotentiaires du Chili, de la Bolivie, du Pérou, de l’Equateur et de la Nouvelle-Grenade, c’est-à-dire des cinq républiques assises sur les rivages de la Mer du Sud, se réunit à Lima pour négocier un traité d’union fédérative. Ce congrès, moins ambitieux et plus sensé que celui de Panama, ne vota point la formation d’une grande armée ; il s’occupa modestement d’examiner dans quelles circonstances il serait utile de constituer la ligue des nations sud-américaines, et de quelle façon on procéderait à cette alliance ; en même temps il prévoyait aussi le cas d’une guerre possible entre les républiques confédérées, et traçait aux états neutres la ligne de conduite qu’ils auraient à suivre en cette occurrence. Un traité de commerce et de navigation, où pour la première fois le principe de la liberté des fleuves était proclamé, complétait l’œuvre des plénipotentiaires de Lima. Toutefois les grands événemens et les luttes intestines qui agitaient alors le Nouveau-Monde effacèrent promptement le souvenir des travaux du congrès.

Cependant un nouveau danger, venant cette fois, non des puissances monarchiques de l’Europe occidentale, mais de la remuante oligarchie esclavagiste des états anglo-américains, menaça bientôt l’indépendance des républiques espagnoles. Le flibustier Walker, porte-glaive de cette chevalerie du cycle d’or dont la grande conspiration contre la liberté des peuples n’est pas encore assez connue, avait envahi le Nicaragua à la tête de ses bandes ; des sénateurs, des ministres de l’Union américaine, le président lui-même, proclamaient insolemment la doctrine de la « destinée manifeste » en vertu de laquelle les républiques méridionales devaient tôt ou tard, de gré ou de force, devenir la proie de ces Anglo-Saxons envahissans qui s’étaient déjà fait concéder la moitié du Mexique. Dans l’espérance des hommes qui dirigeaient alors la politique des États-Unis, Lopez et Walker n’étaient que l’avant-garde des armées qui devaient annexer successivement toutes les nations espagnoles pour les fondre dans le « grand empire indien de l’occident. » Sous le coup de l’émotion qui saisit la plupart des états de l’Amérique latine, un nouveau congrès se réunit en 1856 à Santiago de Chili pour y conclure un traité « continental » de défense contre l’invasion étrangère. Les seules parties représentées étaient le Chili, le Pérou et l’Equateur ; mais les autres républiques, y compris le Paraguay, s’empressèrent pour la plupart d’accéder au traité. Peut-être cette nouvelle convention ne fût-elle pas restée un vain mot comme les précédentes, si les diverses révolutions fomentées dans l’Equateur et dans la Nouvelle-Grenade par quelques prétendans n’avaient malheureusement détourné l’attention de ces derniers pays vers leurs affaires intérieures.