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la politique de la sainte-alliance, le ministre de François-Joseph promettait d’en faire des Allemands. Dans ce vaste empire fédératif, l’Autriche reprenait alors l’avantage du nombre et pouvait arracher à la Prusse le sceptre que l’Allemagne restreinte offrait au successeur de Frédéric le Grand. L’ancienneté des souvenirs, l’idée du vieux droit si chère aux esprits germaniques, le prestige de la majesté impériale si longtemps inféodée à la maison de Habsbourg, avec cela une politique nouvelle et intrépide à la place du vieux système de ruse et de temporisation pratiqué par M. de Metternich, en un mot la politique inaugurée par M. de Schwarzenberg en face des irrésolutions de Frédéric-Guillaume IV, n’était-ce pas là, pensait-il, autant de gages de triomphe ? Or, si dans l’état de confusion et de malaise où se trouvait alors l’Europe ce rêve avait eu le temps de se réaliser, qu’on songe aux conséquences d’un plan si opposé aux principes de la société moderne, qu’on se représente cette fédération de soixante-dix millions d’hommes dominée par l’esprit de la vieille Autriche, et s’étendant de la Baltique à la Méditerranée, des frontières de la Russie aux frontières de la France !

Certes, pour qui considère ces choses à distance, après tant d’événemens qui ont vengé l’ordre nouveau, l’image que nous venons d’évoquer semble une fantasmagorie. — On ne pouvait, dira-t-on, soutenir une plus mauvaise cause par des moyens plus désespérés. Pour relever l’Autriche éliminée de l’Allemagne ou réduite à un rang subalterne par le seul développement du principe des nationalités, appeler à son aide les populations qui maudissaient le joug allemand, quelle folie ! n’était-ce pas rendre plus manifeste à tous les yeux le rôle bienfaisant de la Prusse ? n’était-ce pas rallier à sa cause bon nombre d’esprits qui hésitaient encore ? Eh bien ! telle était l’indécision de Frédéric-Guillaume IV, et telle fut l’ardeur impérieuse du prince de Schwarzenberg que, pendant trois années, la victoire appartint à l’Autriche. Ce furent d’abord des victoires diplomatiques. Au moment où Frédéric-Guillaume IV ne voulait ni accepter sans réserve ni refuser absolument la couronne impériale, qui donc l’obligea soudain à rompre avec l’assemblée, c’est-à-dire avec l’Allemagne elle-même ? qui le contraignit à reculer ? qui lui arracha des mains ce sceptre apporté solennellement par les représentans de la nation ? Le prince de Schwarzenberg. Les notes se suivaient, toujours plus pressantes. C’étaient des sommations plutôt que des notes : l’accent du commandement y éclate. Le prince de Schwarzenberg voulait à la fois détruire l’œuvre de la révolution allemande et humilier la Prusse ; il y réussit. C’est le 28 mars 1849 que le parlement de Francfort avait élu Frédéric-Guillaume IV empereur d’Allemagne à l’unanimité des suffrages exprimés ; le 28 avril,