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Cochinchine, il n’y a qu’un Annamite de plus. Ce système, dont les promoteurs les plus ardens trouvaient tout naturel de transformer nos officiers en mandarins, se vit l’objet d’un engouement passager, qui ne laissa pas que d’influer sur l’insurrection générale de décembre 1862. Il avait en effet le grave inconvénient de nous isoler au sein de la population indigène, et il permettait par suite aux notables des villages de se livrer impunément aux exactions qu’une longue pratique leur avait rendues familières. L’on découvrit ainsi que le petit village de Binh-hoanh, imposé à 96 francs 25 centimes par an, avait en réalité payé, du 28 décembre 1863 au 13 juillet 1864, la somme relativement énorme de 1066 francs 55 centimes. Indépendamment de ces deux écoles rivales, il s’en fallait de beaucoup que nos trois provinces fussent à l’origine soumises à la même règle, et la raison en était dans la distribution géographique : ainsi la province de Bien-hoa, touchant à la frontière septentrionale, avait conservé intacte l’organisation militaire donnée au lendemain de la conquête, tandis que la tranquille et riche province de Mytho, située sur le Cambodge, en était restée à un régime peu différent des anciens erremens annamites. Entre les deux, la province intermédiaire de Saigon, où dominait l’élément européen, avait pris, sous l’influence immédiate de l’autorité centrale, une allure différente, sorte de système mixte auquel devaient naturellement se ranger plus tard ses voisines. Ce fut ce qui eut lieu. Sous l’égide d’une administration protectrice et vigilante, la population des campagnes revint peu à peu au travail sédentaire dont lui avaient fait perdre l’habitude la guerre et les corvées écrasantes qu’elle entraînait ; on vit se reconstituer l’un après l’autre les villages momentanément dispersés, et la marche ascensionnelle de l’impôt foncier prouva, par la meilleure de toutes les démonstrations, le rapide rétablissement de la tranquillité publique. L’aliénation des terres domaniales, si importante dans une colonie naissante, fut simplifiée de telle façon qu’il n’est peut-être pas aujourd’hui de pays où l’on vende le terrain aussi vite, aussi sûrement, ni à de meilleures conditions qu’en Cochinchine : à l’exception de certains lots urbains, l’acheteur ne paie que 15 francs par hectare, enregistrement compris ; vingt-quatre heures après la vente, il reçoit son titre de propriété en échange d’un premier versement de 5 francs par hectare, et parachève son paiement en deux annuités égales, à la fin de la première et de la deuxième année. Enfin les mesures qui émanaient de la métropole témoignaient de la haute intelligence qui présidait à la direction supérieure des affaires, en même temps qu’elles donnaient la preuve de vues novatrices et fécondes. Le décret du 25 juillet 1864, qui réglait l’administration de la justice, simplifiait ce