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ne paraîtra pas exagéré à qui voudra se rappeler les trois récoltes annuelles que donne la Basse-Égypte depuis l’achèvement du barrage du Nil, ainsi que la transformation radicale de la Campine belge dans ces vingt dernières années.

Les cocotiers, les aréquiers et les mûriers doivent également figurer parmi les richesses agricoles de la Cochinchine, et l’auteur du mémoire que nous avons cité, M. Turc, dit avec raison que les chiffres de production auxquels il arrive à l’égard de cette culture sont si merveilleux qu’il ose à peine ajouter foi à ses calculs. L’opinion populaire semble néanmoins corroborer ses conclusions ; mais le cocotier ne produit que six ans après avoir été planté, l’aréquier sept ans après, et même pour ce dernier arbre les jeunes plants provenant des semis ne sont propres à passer de la pépinière au plein champ que cinq ans après que la noix a été confiée à la terre. De plus le cocotier ne donne de fruits que pendant vingt ans, l’aréquier pendant trente-cinq. Il faut donc ici compter par années ; le riz au contraire se plante et se récolte en quatre ou cinq mois. C’est ce qui explique pourquoi, dans un pays où le taux de l’intérêt dépasse toute limite et va jusqu’à l’usure, les rizières prennent chaque jour un nouveau développement, tandis que la production de cocos et de noix d’arec reste stationnaire, si même elle ne tend à diminuer. Quoi qu’il en soit, d’après M. Turc, le revenu net d’un hectare de cocotiers serait de 2,341 francs, celui d’un hectare d’aréquiers de 2,213 fr., et le revenu brut d’un hectare de mûriers de 2,500 fr. La noix d’arec ne s’emploie que comme l’inséparable accompagnement du bétel, dont tout le monde mâche la feuille, hommes, femmes et enfans, d’un bout à l’autre de l’extrême Orient. Dans le cocotier au contraire, tout sert, la feuille, la sève, le fruit, la fibre et le tronc ; peut-être n’existe-t-il pas d’arbre plus précieux dans la flore de l’univers. En favorisant cette culture, les Anglais à Ceylan ont porté en vingt ans l’exportation de l’huile de coco de 500,000 fr. à 15 millions. En Cochinchine, cette huile ne se fabrique encore que dans de petites usines indigènes tout à fait primitives, qui n’en rapportent pas moins de 9 à 10,000 fr. par an à leurs propriétaires. Quant à la sériciculture, elle n’est guère plus avancée, malgré l’intérêt que nous aurions en France à faire servir notre colonie au développement d’une industrie dont les achats à l’étranger dépassent chaque année 200 millions de francs en soies grèges et en cocons pressés.

L’exploitation des forêts de la Cochinchine est également loin de donner ce qu’on en pourrait attendre ; mais il ne s’agit pas seulement ici de développer un germe de prospérité latent, il faut de plus s’opposer à une dévastation qui prend de jour en jour les