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papier photographique, tournant une fois sur lui-même en vingt-quatre heures, elle trace en quelque sorte sous la dictée des deux fils les mémoires de ces mystérieux agens du globe, auxquels il y a lieu d’attacher une grande importance. Tout porte en effet à croire qu’ils jouent un rôle considérable dans les diverses perturbations des élémens. Le 2 août 1865, l’astronome royal, examinant les épreuves photographiques, fut frappé de la violence des courans indiquée sur le papier par les brusques, variations des lignes. On dirait, en pareil cas, des traits convulsivement formés par la main d’un épileptique. Bientôt on apprit, à l’observatoire que ce même jour les signaux du télégraphe transatlantique avaient cessé d’être intelligibles. Comme ce câble a été dernièrement repêché et qu’il fonctionne de plus belle, il sera aisé de voir par la suite si certains courans magnétiques spontanés ont bien sur les abîmes de l’océan l’influence qu’était tenté de leur attribuer M. Airy.

De tous ces instrumens qui parlent et qui écrivent, un des plus curieux est sans contredit l’anémomètre d’Osler, mécanicien de Birmingham, qui a trouvé le moyen d’attacher un crayon aux ailes du vent[1]. Des thermomètres interrogent sans cesse la température, à l’ombre, au soleil, dans l’eau, sous la terre, à des profondeurs variant d’un à vingt-quatre pieds. Dans ce dernier cas, l’ordre des saisons se trouve interverti ; la plus grande chaleur a lieu en décembre. En face de l’observatoire, sur la Tamise, est un vaisseau qui sert d’hôpital pour les marins et qu’on appelle le Dreadnought. Cet ancien navire de guerre a vu de meilleurs jours ; il a, dit-on, pris part à de glorieuses batailles, et saisi dans son beau temps un trois-ponts espagnol ; aujourd’hui, vieux et infirme lui-même, il recueille les malades de la flotte anglaise, qui se trouvent plus chez eux sur l’eau que sur la terre. Quoi qu’il en soit, aux flancs noirs de ce bâtiment sont suspendus des baromètres qui appartiennent à l’observatoire et indiquent l’état de l’atmosphère sur le fleuve à chaque moment du jour. Ces renseignemens sont d’autant plus curieux que l’astronome royal considère la Tamise comme la grande artère qui agit le plus sur le climat de Londres et des environs. Une foule de baromètres sont ainsi jour et nuit à l’ouvrage ; la plupart d’entre eux ont double charge, marquer les variations de la colonne d’air et les fixer par la photographie. La forme de l’instrument prête elle-même à ce mode d’écriture ; on comprend en effet que le rayon de lumière agisse différemment sur la partie du tube chargée de mercure et sur la partie vide. Les moindres mouvemens

  1. Le vent fait tourner une girouette, et, par le moyen d’une roue dentée qui se trouve dans la tour de l’ouest près d’une petite table, ce mouvement est transmis à un crayon qui va en avant ou en arrière, selon les changemens de la girouette, et marque ainsi sur le papier blanc la direction des bouffées.