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chronomètres, chronometers room[1]. Quel bourdonnement semblable à celui d’une ruche d’abeilles ! Il y a quelquefois dans cette chambre près de deux cents chronomètres ou montres marines qui palpitent toutes ensemble. Un tel concert, dont les musiciens ne vont point toujours en mesure, représente la discorde dans le royaume du temps. Et pourtant la plupart de ces instrumens sont des ouvrages d’horlogerie très parfaits et très délicats. De 1822 à 1836, l’observatoire de Greenwich avait ouvert un concours pour les chronomètres, et après un an d’épreuve des prix étaient accordés aux meilleurs d’entre eux. Ce système, utile sous certains rapports et qui a sans doute contribué au perfectionnement d’un tel art mécanique, fut pourtant abandonné comme une branche tout à fait étrangère à l’astronomie. Aujourd’hui cette chambre de l’observatoire sert surtout de dépôt à tous les chronomètres de la marine de l’état qui ne sont point employés pour le moment sur les navires. Il est vrai que, d’un autre côté, beaucoup des horlogers anglais envoient à Greenwich leurs chronomètres pour y être essayés : ces instrumens sont alors des candidats, et s’ils résistent avec énergie à l’examen très sérieux qu’on leur fait subir, ils ont l’honneur d’être achetés plus tard par l’amirauté. Tous les jours, deux assistans président à la série des épreuves. Comparer entre elles plus de cent montres de manière à savoir le mérite ou le défaut de chacune et poursuivre leurs moindres erreurs, à une différence près d’un dixième de seconde, semble à première vue une tâche énorme qui absorberait la vie d’un homme. Eh bien ! cette expérience s’accomplit tous les matins avec une merveilleuse rapidité. D’abord un des assistans monte successivement tous les chronomètres ; ceci fait, il s’assoit devant une table et écrit dans un livre les chiffres proclamés à haute voix par le second assistant, qui compare l’une après l’autre toutes les montres marines avec une horloge placée entre les deux fenêtres. Cette horloge sympathique, une des filles du motor-clock, est par conséquent un des types absolus de la division du temps. Chaque montre étant ainsi confessée, il est facile de voir en quoi elle pèche, et cet examen de conscience se continue pendant des mois. Lorsque je visitai ce département de l’observatoire, un des chronomètres variait de dix minutes avec l’horloge-mère ; j’en fis la remarque à l’un des assistans, M.

  1. Ce sont des boites d’acajou dont l’intérieur contient le mécanisme horologique, et dont le couvercle a été enlevé pour qu’on puisse mieux les inspecter dans toute circonstance. L’inventeur des chronomètres est un charpentier du Lincolnshire, Harrisson, qui vivait en 1774. Bien réglées, ces pendules marines conservent la même marche en dépit des mouvemens du vaisseau, et indiquent perpétuellement l’heure que l’on compte à Greenwich. Cette heure étant comparée avec celle que l’on observe éventuellement à la mer, il est facile pour le navigateur de trouver la différence des longitudes durant tout le cours d’un voyage.