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qu’on rencontre quelquefois dans les vieux manoirs de l’Angleterre. Qui tarderait pourtant à découvrir qu’ici le mécanisme est neuf et surprenant ? Le caractère de ce garde-temps, time-keeper, est qu’il possède deux propriétés distinctes : d’abord il indique très fidèlement l’heure, et ensuite il communique le même pouvoir à d’autres horloges. Aussi l’a-t-on surnommé motor-clock (l’horloge motrice), parce qu’elle anime dans l’observatoire huit de ses filles. Son cadran se divise en trois cercles, dont l’un marqué les heures, l’autre les minutes, et le dernier les secondes. Une seule aiguille, ce que les Anglais appellent une main, hand, tourne autour de chacun de ces cadrans, et désigne ainsi les mesures du temps généralement acceptées. Il y a pourtant quelque chose de particulier dans la manière dont sont numérotées les heures. Les astronomes, sous ce rapport, ne comptent pas du tout comme nous : pour eux, le jour embrasse toute la durée de la révolution de la terre sur elle-même ; c’est, comme dit très bien La Place, « le temps compris entre deux midis ou entre deux minuits consécutifs. » Aussi, tandis que le cadran de nos pendules ne renferme que douze heures, celui des horloges astronomiques en inscrit vingt-quatre. Cette dernière disposition intrigue souvent les personnes étrangères à la science, et pour beaucoup d’entre elles de tels signes sont des énigmes. Que veut dire par exemple quinze heures et demie ou bien vingt heures dix minutes[1] ? Qu’est-ce que 0,36 secondes ? Ce zéro qui tient la place du chiffre XII marqué sur les autres cadrans est le point à partir duquel les astronomes comptent successivement les heures jusqu’au lendemain[2]. Cette forme étrange de mesurer le temps n’empêche nullement l’horloge de Greenwich d’être consultée par toutes les horloges du royaume. Pour ainsi donner le ton et pour réformer les autres, ne fallait-il point qu’elle eût les moyens de se réformer elle-même ? Ses erreurs, je l’avoue, sont très légères : cette horloge varie à peine dans un temps donné de quelques fractions de seconde ; mais encore a-t-elle besoin d’être parfois rectifiée, ainsi que tous les ouvrages sortis de la main de l’homme. On la règle en agissant sur le balancier : selon qu’un appareil magnétique très simple raccourcit ou allonge ce balancier, on accélère ou l’on retarde le mouvement. Cette méthode ne se pratique pourtant point dans la chambre où se trouve l’horloge, c’est à distance qu’on la gouverne et sans jamais la toucher du doigt. Supposons un instant que les murs soient de verre, et voyons alors ce qui se passe dans une autre salle de l’observatoire.

  1. Trois heures et demie et huit heures dix minutes du matin.
  2. Ce serait alors midi 36 secondes.