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exercice des compétitions de la vie politique ; il faut susciter les hommes chez nous, les former et les éprouver par l’instruction, par une participation plus directe, plus franche, plus active, plus décisive, à la conduite des affaires publiques.

Le moment de la rénovation intérieure ne pouvait être marqué d’une façon plus saisissante que par les événemens européens qui viennent de se passer devant nous, et qui ont causé à la France l’émotion sourde que la. circulaire de M. de La Valette constate sans hésitation. Aux mécomptes et aux incertitudes de la politique extérieure, il est urgent de répondre par l’union des forces intérieures de la France intrépidement évoquées. Il est difficile chez nous d’aborder la question du progrès des institutions politiques ; on risquerait, dans une discussion semblable, de toucher à la constitution, dont, par une précaution légale prise fort intempestivement, il est, depuis quelques mois, interdit de parler. Une prudence qu’on trouvera peut-être maladive nous détourne de nous engager sur un terrain aussi scabreux ; mais tout le monde ne sent-il pas ce qui nous manque ? Ne regrette-t-on pas que des démarches politiques qui ont eu des conséquences. aujourd’hui regrettées de tous n’aient pu être prévenues par des résistances opportunes ou un contrôle vigilant ? Ne se plaint-on pas généralement de la disette où nous sommes en fait d’hommes publics capables de rallier des groupes d’opinions, de stimuler l’éducation politique du pays, de mériter sa confiance en se mettant en communication directe et fréquente avec lui ? Le pouvoir a sans doute dans les principales fonctions de l’état des représentans et des serviteurs éminens ; mais qui s’aviserait de prétendre que le nombre des candidats aux grands postes soit suffisant ? Napoléon Ier écrivait à Sainte-Hélène, avec un grand sens, qu’un peuple possède toujours en lui les hommes nécessaires à la conduite de ses intérêts ; mais il ajoutait avec non moins de justesse qu’il ne suffit point que ces hommes existent, qu’il faut encore qu’ils soient connus. Nous ne mettons point en doute qu’il n’existe en France beaucoup d’hommes de talent capables de rendre de grands services, si les circonstances leur imposaient de patriotiques devoirs ; mais nous déplorons qu’il y en ait si peu de connus. La renommée est d’une étrange stérilité pour les contemporains. Il n’est point rassurant d’affronter les surprises des événemens avec un personnel de leaders politiques si clair-semé et si insuffisant. L’éducation politique du pays ne peut être considérée comme substantielle, là où la production des hommes et des réputations est si ralentie. La liberté était autrefois comme une sève qui répandait partout la vie et le rayonnement, et créait des forces individuelles et publiques dans toutes les sphères. Il semble que la France, sous le régime retentissant des concurrences politiques, connaissait mieux, non-seulement ses orateurs et ses écrivains, mais encore ses magistrats, les chefs de ses grands services administratifs, ses généraux et ses officiers d’espérance. Une légitime et plus délicate amorce de gloire excitait mieux le mérite, on se sentait vivre