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soit à tout autre poète des temps historiques, car le mot dithyrambe n’est pas grec ; l’étymologie en doit être cherchée dans un idiome plus ancien et probablement reportée aux origines du culte de Bacchus.

Il en faut dire autant de ces fameux mouvemens du chœur tragique auxquels on donna les noms de strophe, d’antistrophe et d’épode. Ces évolutions, l’école historique les décrit, mais elle n’en donne ni l’explication ni l’origine ; il faut ajouter d’ailleurs que les seules données grecques en auraient difficilement rendu compte. L’étude comparée des religions, la lecture du Vêda, la liturgie védique, enfin un usage de politesse pratiqué en Orient de temps immémorial en rendent raison de la façon la plus simple et la plus certaine. On sait en quoi consistaient les mouvemens du chœur vers la droite et vers la gauche de l’autel de Bacchus, autel qui s’élevait au milieu de l’orchestre semi-circulaire entre les gradins du théâtre et la scène. Le chœur se tenait debout vers la gauche de l’autel, puis chaque choriste, faisant sur lui-même un quart de tour, se mettait en marche vers la droite, et après avoir accompli une demi-révolution revenait sur ses pas pour reprendre sa place. Cette marche et cette contre-marche n’étaient pas une création orchestique des auteurs de tragédies ; elle était aussi ancienne que le sacrifice de Bacchus, et c’est de là qu’elle avait passé dans le drame. Or la liturgie védique ajoute à ces mouvemens du chœur sacré un fait d’une importance majeure, c’est la manière dont ils étaient orientés. L’autel était primitivement disposé de telle sorte que le prêtre eût le visage tourné vers l’orient, usage qui a longtemps prévalu même chez les chrétiens. Le chœur, c’est-à-dire les fidèles ou plutôt les prêtres qui assistaient l’officiant, et dont le nombre a changé plusieurs fois, regardaient aussi du même côté. A l’horizon se levait le soleil. Or les peuples aryens, n’étant sortis que fort tard de l’hémisphère boréal et n’ayant jamais qu’en très petit nombre dépassé l’équateur, voyaient le soleil levant prendre sa marche obliquement vers le midi, c’est-à-dire à droite de l’autel qui brûlait devant eux ; c’est à ce moment même que l’on entonnait l’hymne, et le chœur, pour honorer le grand illuminateur et le père de la vie, marchait aussi vers la droite à sa rencontre, chantait la louange et retournait ensuite à son poste pour assister au reste de la cérémonie. Cet usage, comme on le voit, n’a rien d’exclusivement hellénique ; il est, comme Orphée et plus que lui, contemporain des premiers cultes aryens. Les Grecs l’ont apporté d’Asie avec eux. Soumis aux rhythmes doriens dans le voisinage des temps historiques, il a passé des vignobles de l’isthme dans ceux des coteaux athéniens, et a été gardé par la tragédie lorsqu’elle s’est définitivement constituée.

La part qui revient aux Doriens dans la formation du drame est