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Quant aux traditions grecques relatives aux premiers poètes des hymnes, elles n’ont aucun caractère historique, et ce serait aussi une tentative puérile que de vouloir déterminer, comme l’a essayé Muller, les temps et les lieux où chanta chacun d’eux. Leur place est marquée dans la fable ; la plupart d’entre eux, sinon tous, sont des êtres fictifs ou des symboles à la réalité desquels on ne saurait croire. Nous voyons bien par le Vêda que les auteurs des hymnes étaient des hommes divins, des prêtres, mais seulement pendant le temps qu’ils remplissaient la fonction sacerdotale. Sur un sol aplani entouré d’une enceinte de bois, on élevait un tertre quadrangulaire de terre appelé bômos (en sanscrit bhûmi) ; c’est le père de famille lui-même qui construisait cet autel pour lui, pour sa femme et pour ses enfans ; ce père était poète comme auteur du chant sacré, et pontife comme présentant l’offrande au feu sur l’autel au nom de la famille réunie. La cérémonie terminée, chacun vaquait à ses occupations, au labour, à la garde des troupeaux, aux métiers, à la guerre. Tel fut l’état primitif ; mais quand la société se constitua par le partage des fonctions, comme il y eut des laboureurs, des artisans, des guerriers, il y eut aussi des prêtres, et on vit avec le temps le sacerdoce se perpétuer dans certaines familles. Les Grecs élevèrent de très bonne heure des édifices sacrés pour conserver les images en bois ou en pierre de divinités auxquelles leur imagination prêtait des formes corporelles bien définies. À ces temples furent attachés certains hommes avec le titre de prêtres ou d’hiérophantes ; au nombre de leurs fonctions se trouvait la partie de l’office qui consiste dans l’hymne, dont ils devinrent par cela même les auteurs ou les conservateurs attitrés. Comme les prêtres de la Grèce ne formèrent jamais ni une caste, ni un clergé, l’absence de hiérarchie sacerdotale empêcha les hymnes de sortir des sanctuaires isolés où ils demeurèrent confinés. La langue archaïque dans laquelle ils avaient été composés devint avec le temps de moins en moins intelligible, et ils finirent par s’oblitérer entièrement. Aucune cause de durée ne se rencontra pour sauver ces anciennes poésies, et les causes variées que le temps et la civilisation font apparaître se combinèrent pour les anéantir.

Les traditions et l’histoire de la Grèce citent un certain nombre de noms dans lesquels semblent se personnifier les divers courans de la poésie des hymnes, les écoles ou les familles sacerdotales les plus célèbres des temps primitifs. Aucun de ces noms n’est grec par son étymologie ; tels sont ceux d’Olen, de Marsyas, d’Hyagnis et le nom commun des corybantes de Phrygie[1]. Aucune de ces vieilles

  1. Le nom de ces derniers est en zend gĕrĕvantô, qui signifie montagnards ; le mot giri dans l’Inde signifie montagne. La montagne sainte de ces prêtres de Cybèle est le Bérécinte, en zend bĕrĕzat ; c’est la chaîne est-ouest de l’Asie-Mineure, le Borj ou Elbourz des Persans ; la forme occidentale de ce mot est l’allemand berg.