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magnifique spectacle d’Œdipe à Colone, mais on ne peut pas toujours adorer. Rentré dans mon assiette et revenu parmi les hommes de mon temps, je les vois tous occupés à chercher les raisons des choses et acquérir en les trouvant une puissance d’action décuplée ; j’ai donc besoin, moi aussi, de savoir comment les grands esprits qui m’ont charmé sont parvenus à faire de pareils ouvrages. De ce besoin naît la recherche des causes, des lois et des conditions de la production littéraire, c’est-à-dire l’histoire des littératures telle que nous l’entendons aujourd’hui. La question des origines prend dès lors une place importante dans cette histoire, car, à mesure que l’on remonte d’un grand siècle vers ceux qui l’ont précédé, on s’aperçoit qu’on a sous les yeux des formes littéraires qui ont été se développant, et l’on est fatalement conduit à en rechercher les premiers commencemens.

Otfried Muller avait formé le projet de donner une histoire complète de la littérature grecque, de laquelle toutes les littératures modernes sont sorties. La mort ne lui a permis d’en réaliser que la moitié, et il s’est arrêté à l’époque d’Alexandre le Grand. Sa pensée dominante est que la civilisation grecque dans toutes ses parties est absolument originale, née spontanément du sol et du génie de la Grèce, et, comme diraient les Grecs eux-mêmes, autochthone. Il ne croyait pas que ce peuple privilégié eût rien reçu du dehors, non-seulement dans la période moyenne de son histoire lorsqu’il avait toute son énergie productive, mais même dans ses commencemens lorsqu’il ne faisait que s’organiser et se préparer à produire. Depuis que Muller est mort, les savans dans toute l’Europe ont poussé la recherche des origines à un point que le professeur de Gœttingue n’avait point entrevu. La civilisation gréco-romaine, en effet se trouve comprise entre deux grandes périodes auxquelles elle sert en quelque sorte de transition, la période orientale et la période moderne. Nos littératures aussi bien que notre civilisation ont pris leur point d’appui sur l’antiquité grecque et latine ; mais elles n’ont pas reproduit comme par un calque l’œuvre de l’antiquité, elles ont leur originalité et par conséquent leurs origines particulières. L’étude du moyen âge littéraire a pris de nos jours une grande importance et a conduit à de véritables découvertes. Nous possédons un grand nombre d’écrits remontant jusqu’à l’époque carlovingienne et portant leurs dates avec eux, nous pouvons en voir la naissance, reconnaître la loi qui a présidé à la production de ces ouvrages. D’un autre côté, l’Europe voit s’opérer depuis une cinquantaine d’années la découverte d’un nouveau monde, du monde oriental. Jusqu’à ces derniers temps, on avait cherché chez les Sémites, en Judée surtout, et chez les Égyptiens, les origines de la civilisation gréco-romaine, et nous avons vu récemment, à