générales d’information, quelle est celle où puise de préférence M. Michelet ? Tous les goûts de son esprit, toutes les tendances ou les nécessités de sa méthode le portent du côté le plus attrayant, le plus riche et le moins sûr. Je ne dis pas qu’il y ait chez lui parti-pris de négliger l’officiel ; mais il s’en sert avec froideur, avec parcimonie. Il semble éviter ce qui s’impose à lui et force son assentiment ; l’autorité le gêne, il aime bien mieux ce qui se présente sans garantie publique, avec un tour libre et aventureux. Plus humble est le renseignement, plus chaud est l’accueil. Il prend alors ce document isolé et inconnu sous sa protection, il le produit, il lui fait un sort. Ce qui ne plaît à personne, ce qui n’attire personne, est précisément ce qui le gagne ; il a la passion du détail obscur, du fait inaperçu, de la cause sans conséquence, du texte dédaigné. L’imperceptible, sous son regard et sous sa plume, grossit outre mesure ; d’un rien il fait sortir un monde. Dans le choix de ses témoignages, il y a, pour ainsi dire, acception de personnes ; il semble mettre en pratique à leur égard ses sentimens de philanthropie et s’inspirer des prédilections d’une âme populaire ; il est avec eux aussi l’ami des petits et des délaissés. Les rôles sont intervertis ; ce n’est pas sur les élus de sa faveur qu’il s’appuie, il met sa gloire à les soutenir. M. Michelet ne cherche pas à se recommander lui-même par la valeur des preuves qu’il emploie, c’est M. Michelet qui recommande ses preuves. On dirait qu’il est en révolte contre les lois ordinaires du travail historique, tant ses matériaux, étrangers aux conditions naturelles de l’histoire, ont un air de caprice et d’opposition. Là, nul souci de l’importance et du rang, un complet renversement de l’ordre habituel et de la subordination légitime. M. Michelet place ses documens un peu comme les ministres placent leurs créatures. Quand ce menu peuple d’incidens sans portée a été élevé au rang d’influens témoignages, quand ces parvenus de la grâce du maître, marqués de son empreinte, enflés et embellis de ses commentaires, ont reçu les largesses de sa sensibilité éloquente, il applaudit à son œuvre, et s’imagine sans peine que plus il y a mis de lui-même, plus il s’y trouve de vérité. Aussi dans ses établissemens et ses constructions historiques vous ne rencontrez point de ces fortes chaussées, inébranlables dans leur simplicité, où le pied se pose partout en assurance sur l’exact et l’authentique, point de ces voies romaines qui défient les siècles, mais de merveilleuses mosaïques d’une infinie délicatesse.
Tout le monde sait combien, au temps de Louis XV, ont coulé d’une veine fertile ces écrits de qualité mêlée où se versent pour la postérité les confidences du bon sens avisé et bien informé, les plaintes de la vanité et de l’intérêt, les préventions des coteries, le