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CUBA ET LES ANTILLES

II.
MATANZAS, UNE PLANTATION.

28 février 1865.

Nous sommes depuis hier à Matanzas, dans une auberge barbare encore, mais infiniment préférable à celle de la Havane en fraîcheur et en propreté. Notre croix n’est plus la poussière et le soleil ; c’est le vacarme qui du matin au soir, à peine le jour levé jusqu’à une heure avancée de la nuit, retentit dans la cour étroite et fermée où donnent nos fenêtres : coups de marteau, coups de pioche, piles d’assiettes renversées, cris de la cuisine, cris de la salle à manger, rixes et querelles du rez-de-chaussée et des écuries, et surtout tintamarre de sept ou huit cloches fêlées, que quatre nègres grimpés sur le clocher de l’église voisine passent leur vie à marteler sans pitié tous les quarts d’heure. Ce ne sont pas nos belles cloches suisses au tintement argentin et joyeux qui s’élève du fond des vallées avec les brouillards dorés du matin, ni nos harmonieux carillons italiens qui se croisent en légères volées au-dessus des villes ; c’est un tumulte indescriptible, mêlé de tam-tam chinois, de bassinoires et de casseroles. Tel est en général le caractère de la musique espagnole : plus il y a de bruit, plus on admire. Les orchestres, celui même de l’opéra, sont remplis de cuivres âpres et