Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/571

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

positives et scientifiques encore de choisir les couleurs expressives et les tons justes, à l’encontre des mauvais conseils d’un tempérament capricieux. Il n’est pas jusqu’au vêtement lui-même qui ne puisse et ne doive signifier par ses couleurs quelque chose, soit de l’âme, soit de la condition, soit des habitudes du personnage. Quand on voit, dans la célèbre toile de M. Ingres, l’Apothéose d’Homère, l’Iliade drapée d’un manteau rouge et l’Odyssée serrant autour de son corps les plis d’un vêtement vert de mer, on n’a pas seulement la perception de la couleur, on la lit en quelque sorte et on en comprend le sens. — Ainsi les lois de la physique, de la physiologie, de la psychologie, et d’autres lois encore concourent à guider efficacement le talent naturel du coloriste. La philosophie du beau y contribue aussi pour sa part, puisqu’elle réunit, coordonne et complète ces lois fécondes et salutaires.

Il nous a semblé utile d’insister un peu longuement sur les rapports étroits qui rattachent l’art du peintre à la science. En effet, c’est au sujet de la peinture que s’engagent ordinairement les plus vives discussions esthétiques. A l’égard de la sculpture, ces rapports sont moins contestés, et il nous sera possible d’en parler plus brièvement.

Il est nécessaire au sculpteur de posséder de solides connaissances en dynamique, en anatomie, en géométrie ; la science de la perspective lui est non moins indispensable. Toutefois, pour appliquer à propos ces notions positives, pour n’en point subir aveuglément le joug, pour n’en pas user dans la même mesure que le peintre, il a besoin de découvrir lui-même ou d’apprendre de la bouche d’autrui les principes d’une sage esthétique. Celle-ci lui enseigne que son art a un but particulier, qui est d’exprimer la pleine beauté physique, idéalement conçue et considérée comme le signe parfait de ces deux énergies invisibles que l’on nomme la force vitale et l’âme ou principe psychologique. On va voir que c’est l’application des principes esthétiques qui détermine par exemple les règles imposées au sculpteur à l’égard de la perspective linéaire et aérienne. S’il lui importe en effet de connaître l’une et l’autre, c’est afin de corriger les fâcheux effets de la première au point de vue de la beauté, et de s’interdire sévèrement l’usage de la seconde, qui rentre dans le domaine exclusif de la peinture. Lorsqu’il modèle des figures en ronde bosse destinées à être placées sur un piédestal, de telle sorte que le spectateur en puisse faire le tour et s’en éloigner ou s’en approcher, il n’a pas à se préoccuper beaucoup des conditions de la perspective. Dès que la statue s’élève, dès qu’elle est portée à une certaine hauteur sur’ une colonne, sur un attique ou sur la base d’un fronton,