voulait-il reproduire l’image d’une maison, il prenait une échelle, montait sur le toit et faisait une miniature rigoureusement fidèle de chaque tuile, de chaque planche, de chaque moisissure. La perspective linéaire ne souffrait pas de ce mode d’exécution, parce qu’elle était d’avance établie ; mais que devenait la perspective aérienne ? Où étaient les contours indécis, les formes fuyantes, les teintes vagues des plans éloignés ? Et à quoi servaient tous ces riens que le spectateur n’aperçoit pas du vrai point de vue, et qui en tout cas ne l’intéressent nullement ? L’effet général n’était pas toujours compromis, grâce à la prodigieuse habileté de l’artiste ; mais que de peines inutiles et que d’efforts perdus ! Les réalistes d’aujourd’hui abandonnent à la photographie ces miracles d’exactitude. Cependant ils n’évitent pas toujours le piège caché au fond de leur système. On a noté au dernier Salon, dans un tableau d’ailleurs très distingué, certain rocher trop bien peint sans doute, puisqu’au lieu de reculer comme l’exigeait la perspective, il semblait se porter hardiment vers le premier plan. Il est vrai que cette toile était de la main du chef de l’école, et que le maître daigne de temps en temps révéler au public toute la portée de sa doctrine.
Est-ce à dire que les lois de la perspective soient sacrées et que le peintre les doive respecter, advienne que pourra ? Point du tout. Au-dessus de la règle qui prescrit de les observer généralement, il y a une autre règle qui ordonne de les violer quelquefois. Au nom de quel principe posera-t-on cette seconde règle ? Sera-ce au nom de la vérité réaliste ? On vient de montrer qu’un réalisme conséquent devrait fouler aux pieds la perspective linéaire aussi bien que la perspective aérienne, et qu’il ne s’en abstient pas toujours. Sera-ce au nom du principe de la vérité apparente ? L’appareil photographique, qui tient un compte mathématiquement rigoureux de la perspective linéaire, et qui reproduit imperturbablement la vérité apparente, fournit des images qu’aucun peintre ne se résignerait à copier sans modification. Que le modèle ait le malheur de mettre sa main sur son genou porté en avant, ou d’étendre un peu la jambe, aussitôt la lumière se joue en monstruosités géométriques tout à fait inacceptables. A qui donc s’adressera l’artiste qui désire savoir dans quelles limites il lui est permis ou commandé de violer les règles de la perspective ?
Interrogez-le : il vous répondra lui-même et sans hésitation. S’il cache soigneusement les pieds du modèle, ou s’il les place de côté, s’il applique les mains contre le corps ou s’il les détourne, c’est que l’image de ces pieds et de ces mains serait, sur l’épreuve, trop grosse, hors de proportion avec la tête et conséquemment laide. En un mot, le photographe viole les lois de la perspective au nom de