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pas arrêtés par la question d’argent, ils firent appel à la publicité de la façon la plus large, invitant tous les ingénieurs ou fabricans de câbles à présenter des modèles de conducteur sous-marin. Ces modèles étaient soumis à un comité composé d’hommes distingués à la fois par leur réputation scientifique et par les études spéciales qu’ils avaient faites des matières en discussion. Les inventeurs ne sont pas moins nombreux en Angleterre qu’en France ; on peut même affirmer que toutes les inventions relatives à la télégraphie sous-marine que nous voyons se produire en notre pays depuis quelques années sont déjà connues et jugées de l’autre côté de la Manche. Ces conseillers de la compagnie évitèrent prudemment de s’aventurer dans une voie nouvelle, et ne donnèrent place aux innovations que dans les limites où la théorie ne s’écartait pas trop des anciens erremens. Le type de câble adopté par eux fut, au diamètre près, le même que l’administration française avait approuvé en 1860 pour la création d’une ligne entre la France et l’Algérie. Le fil central ou conducteur électrique était formé de sept brins de cuivre tordus, d’un diamètre total de 3 millimètres et demi ; la substance isolante était d’une épaisseur double. C’est là ce qu’on appelle l’âme du câble, seule partie essentielle au point de vue électrique, et les dimensions en sont variables suivant la longueur de la ligne à établir et la rapidité de transmission que l’on désire obtenir. L’âme du futur câble transatlantique était enveloppée d’abord dans un bourrelet de jute, sorte de fibre textile dont on fait les grosses toiles d’emballage ; puis autour de ce matelas protecteur étaient enroulés dix fils de fer destinés à donner de la force à l’ensemble. Afin d’alléger la masse, ces fils de fer étaient garnis au préalable de chanvre de Manille goudronné. Le tout offrait un diamètre de 27 millimètres environ, ce qui est un peu plus que la grosseur du pouce. Ce modèle était présenté par MM. Glass, Elliot et C°, qui sont à la tête de la plus importante fabrique de câbles sous-marins qui existe en Angleterre. Le comité scientifique de la compagnie, loin de se borner à faire choix d’un bon câble, posait en outre les principes qui devaient présider à la fabrication, désignait les épreuves et les moyens de contrôle qu’il devait subir, recommandait en un mot que rien ne fût négligé de tous les essais et expériences propres à garantir une exécution irréprochable. Pour mener à bien une entreprise de cette nature, il ne suffit pas en effet d’avoir une idée sage au début, il est important surtout de surveiller avec un soin scrupuleux les matières employées et là façon dont elles sont mises en œuvre.

La fabrication de ce cordage gigantesque, — il avait 4,300 kilomètres de long, — prit une année entière. Commencée le 18 avril 1864, elle ne fut terminée que le 29 mai 1865. Pendant ce temps, les