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des bancs fangeux où les chaloupes n’auraient pu s’aventurer sans échouer. On mit donc en réquisition cinq cents lascars, qui tant bien que mal finirent par amener le câble au rivage jusqu’au poste de Fao, station terminale de la ligne sous-marine. La communication était alors définitivement établie, entre les bouches de l’Indus et celles de l’Euphrate. Le câble se trouvait dans un état parfait de conservation. Un léger accident qui survint du côté de Bushir interrompit les transmissions télégraphiques, mais ce fut une occasion de reconnaître combien il était facile de réparer un conducteur immergé dans de pareilles conditions. Les ingénieurs électriciens déterminèrent avec exactitude la distance à laquelle le défaut s’était manifesté ; un bateau à vapeur, l’Amberwitch, se rendit en toute hâte au lieu indiqué ; deux ou trois jours après, le mal était réparé, les dépêches passaient de nouveau.

Par malheur la ligne terrestre que les Turcs avaient promis d’organiser entre Fao et Constantinople n’était point encore terminée. De Bagdad au Bosphore, le fil télégraphique était en état de fonctionner, de même entre Bassorah et Fao ; mais la partie intermédiaire de Bagdad à Bassorah n’était pas achevée, et ne paraissait même pas près de l’être. Cette partie de la Mésopotamie est occupée par des tribus arabes auxquelles le gouvernement turc est impuissant à imposer ses volontés. Il leur donne des cheiks que les populations ne veulent pas quelquefois accepter. C’était le cas à cette époque. Il y avait lutte entre le cheik nommé par la Porte, et un chef indigène ; celui-ci fut enfin mis en déroute et contraint de s’enfuir dans le désert. Les Anglais avaient tout simplement offert au sultan de traiter eux-mêmes avec les rebelles, se proposant d’offrir à ceux-ci une grosse somme d’argent à la condition que le télégraphe serait respecté. Leurs ouvertures furent repoussées ; mais bientôt le pays redevint tranquille, et les travaux purent être poursuivis. En attendant qu’ils fussent complètement achevés, on échangeait les dépêches entre Bassorah et Bagdad par des cavaliers qui faisaient le trajet en deux ou trois jours. Au reste, cette contrée n’est pas aussi étrangère au progrès qu’on serait tenté de le croire, quoique les fièvres et les maladies tiennent les Européens éloignés pendant plusieurs mois de l’année. Cinq bateaux à vapeur circulent sur le fleuve entre Bassorah et Bagdad ; deux de ces bateaux appartiennent aux Turcs, deux autres sont envoyés par le gouvernement de l’Inde, et le cinquième est la propriété d’un négociant anglais établi dans le pays.

Pendant toute la durée de ce service provisoire de correspondance, les dépêches échangées entre l’Inde et l’Angleterre subissaient une transformation fâcheuse au milieu de leur voyage. Elles étaient expédiées de Kurrachee en anglais ; à leur arrivée à Fao, au