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quand il est certain qu’une politique qui avait assisté depuis quatre ans à l’éclosion de plusieurs graves difficultés européennes avec des airs de prudence savante et des attitudes avantageuses nous laisse, en face de révolutions considérables accomplies auprès de nous, au point où nous étions auparavant. Ce n’est point une conclusion inconsidérée de constater que la fin de la carrière ministérielle de M. Drouyn de Lhuys coïncide avec un mécompte au moins temporaire éprouvé par une des ambitions raisonnables de la France. Contentons-nous de noter en passant, à ce propos, que la conduite des affaires serait simplifiée, que les modifications de système se produiraient avec une opportunité plus heureuse, si l’on consentait à pratiquer régulièrement les principes de la responsabilité ministérielle et de l’homogénéité des cabinets solidaires, tels que les établit et les recommande l’expérience politique des peuples modernes.

Nous manquerions d’équité, si nous avions la prétention de porter un jugement absolu sur la politique extérieure que M. Drouyn de Lhuys a suivie pendant quatre années. La connaissance de bien des éléments de la cause nous fait encore défaut. Ce que l’on peut dire à première vue et sans prévention fâcheuse contre un honorable serviteur du pays, c’est que l’étoile du bonheur n’a pas lui sur le dernier ministère de M. Drouyn de Lhuys. Qu’on en repasse les incidens principaux. Les deux premiers actes de ce ministre furent à l’adresse de l’Italie et des États-Unis. M. Drouyn de Lhuys signifia à l’Italie par une note célèbre l’ajournement indéfini de la question romaine, et il a assez vécu pour signer la convention du 15 septembre. — L’essai d’intervention dans les affaires des États-Unis fut plus malencontreux encore. M. Drouyn de Lhuys eut l’étrange idée d’offrir la médiation de la France entre le gouvernement légal de la république américaine et la rébellion du sud. Tout le monde est d’accord qu’une puissance étrangère, de quelque prétexte qu’elle couvre une pareille intervention, ne peut point commettre une démarche plus blessante envers un grand état indépendant, obligé de réprimer une rébellion intérieure, que de lui proposer de traiter avec cette rébellion sur le pied de l’égalité. Offrir une semblable médiation au gouvernement américain, c’était lui proposer de s’avouer vaincu, c’était offenser gratuitement un grand peuple en péril. Nous n’avons eu heureusement en cette circonstance que l’inconvénient d’une manifestation stérile. La Russie ni l’Angleterre ne voulurent s’associer a ce projet de médiation, qui n’eût pu aboutir, si on lui eût donné suite, qu’à la plus désastreuse des guerres. L’Union américaine, jugée par le ministre français avec si peu de clairvoyance, est puissamment et glorieusement sortie de ses difficultés, et M. Drouyn de Lhuys a dû avoir mainte occasion de regretter ses essais de médiation spontanée, lorsqu’il a eu à négocier plus tard au sujet du Mexique avec le cabinet de Washington. Qui niera aujourd’hui, hélas ! qu’il eût été bien plus sage alors d’arrêter les développemens de l’entreprise du Mexique que de proposer aux