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dans la cause allemande. Si le ministère Bismark, ce qu’à Dieu ne plaise, devait échouer dans cette question, il n’y aurait pas le moindre doute sur ce qui suivrait. Ce ne serait pas le parti du progrès ni les anciens libéraux qui hériteraient du ministère ; on aurait une réaction comme en 1850. Les admirateurs des petites cours, les adorateurs de l’Autriche prendraient le gouvernail. C’en serait fait des bons rapports entre l’Allemagne, la France et l’Italie, car ni en France ni en Italie il n’y a de dynasties légitimes aux yeux de ce parti. Une telle issue, ce me semble, ne serait favorable ni à la cause de la paix ni à celle de la liberté.

Heureusement notre avenir se présente aujourd’hui avec de meilleures apparences. A Berlin, les difficultés s’aplanissent ; la chambre des députés commence à subordonner aux intérêts de la cause allemande tous les autres vœux de la chambre haute, et le gouvernement montre, pour sa part, autant de modération que de fermeté. Il paraît indubitable que le parlement fédéral se réunira sous peu de mois. Sans doute on ne fera pas voter isolément les habitans du Hanovre, de la Hesse, du Holstein, sur leur union avec la Prusse ou bien sur la fédération de l’Allemagne du nord ; de même on ne permettra certes pas au roi de Saxe de rester le maître des troupes saxonnes, et d’entraver ainsi la constitution militaire de la confédération. Verrait-on là une violence ? Je ferais remarquer qu’il ne s’agit pas pour ces territoires d’une annexion à un pays étranger, ni de la création d’un nouvel état ; la seule question est d’organiser en vue des intérêts communs les relations des diverses provinces comprises dans les limites actuelles de l’Allemagne. Or il est bien naturel de ne laisser voter sur une pareille question que les représentans de la nation tout entière et non pas les provinces elles-mêmes. Il n’en est pas autrement en France ; ce ne sont pas les habitans d’un département qui peuvent disposer de sa condition politique, c’est le pouvoir législatif commun à tout le pays. Les Allemands du Hanovre et de la Hesse, du Holstein et de la Saxe auront à établir en commun avec les Allemands de la Prusse, dans une grande assemblée représentative, la future constitution nationale. On y verra se produire les doutes, les controverses, les haines politiques, les dissentimens des partis : tout cela ne manquera pas. Aux partisans des princes déchus, aux zélateurs des souverainetés locales se joindront les hommes qui, tout en admettant l’unité allemande, n’approuvent pas la forme sous laquelle elle se produit. Il faudra, de la part de nos gouvernans, beaucoup de patience, de sagesse et de fermeté pour atteindre en peu d’années au but ; mais, croyez-moi, ce but sera atteint parce qu’il faut qu’il en soit ainsi, ou bien que notre nation périsse. Toute dissidence sur les moyens se taira finalement devant l’évidente nécessité et devant la grandeur du but. Ce que nous devrons à l’ordre nouveau se résume en deux paroles : sécurité à l’égard de l’extérieur, libres rapports au dedans. Pour obtenir ces deux choses, il faut de grandes réformes dans toutes les parties de l’administration publique ; il faut dans tous les