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commerçante, parce que l’Autriche, comme naguère dans la question de la liberté de la presse, déclara qu’elle ne pourrait supporter l’abaissement des tarifs. Les petits souverains appuyèrent son dire, et il fallut que l’Allemagne restât sous le joug de l’ancien système. Vint ensuite notre traité de commerce avec l’Italie : il eut un sort semblable, car l’Autriche fit à peu près un casus belli d’une pensée quelconque de relations commerciales avec ces Italiens qui s’étaient permis de chasser de Florence et de Modène deux archiducs !

Vous accorderez assurément, monsieur, qu’un tel état de choses, pour une grande nation civilisée, devenait intolérable. Il y fallait, n’est-ce pas ? remédier à tout prix, sous peine de conserver au milieu même de l’Europe une cause perpétuelle de trouble. L’histoire de la confédération germanique n’est que l’histoire d’une perpétuelle maladie, avec une suite de convulsions et de crises violentes ou cachées. A peine la constitution fédérale est-elle fondée, en 1815, commence le malaise intérieur, et les libéraux d’alors invoquent déjà l’unité allemande. En 1819, le prince de Metternich, en suscitant le fantôme d’une prétendue révolution démocratique, réussit à gagner le roi de Prusse au système conservateur de la cour de Vienne, et ainsi, appuyé sur la Prusse elle-même, il triomphe de nos unitaires. La même chose se reproduisit en 1833, car, en dépit de toutes les mesures de police, un profond mécontentement survivait dans la nation, et la secousse de juillet 1830 avait suffi pour provoquer de violentes convulsions dans une moitié de l’Allemagne. Encore une fois la Prusse se laissa entraîner, effrayée qu’elle était par les tendances républicaines des chefs du mouvement, à faire cause commune avec Vienne et Francfort ; mais à peine Frédéric-Guillaume IV était-il monté sur le trône, en 1840, que la situation changea. Malgré ses tendances conservatrices et féodales, ce prince intelligent comprit tout d’abord qu’il fallait changer l’état des choses, si l’on voulait éviter la ruine et de la Prusse et de l’Allemagne. Ses projets de réforme, qui marquaient des intentions bonnes et modérées, furent accueillis à Vienne avec une mauvaise humeur mal déguisée, et, avant qu’il eût réussi à secouer l’apathie du vieux prince de Metternich, l’orage de 1848 éclata. Il n’y avait d’ailleurs en Allemagne aucun des fermens qui d’ordinaire enfantent les grandes révolutions, point de famine dans les campagnes, point de dénis de justice envers les populations, point d’oppression religieuse ; mais partout on s’élevait contre l’insuffisance de la constitution fédérale, et de partout, avec une rare unanimité, le mot d’ordre fut d’invoquer un parlement germanique. On sait comment la tentative échoua. Le parlement, emporté par son zèle démocratique et doctrinaire, ne sut pas s’entendre avec le roi de Prusse. Frédéric-Guillaume refusa la couronne impériale et fit ensuite l’essai d’un système modéré de réforme ; mais pendant ce temps l’Autriche avait subjugué les rebelles de Vienne et de Hongrie : elle posta son armée sur la frontière hongroise et arracha au roi de Prusse, ami de la paix, une renonciation à