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fusion avec le Tyrol ; ils s’obstinaient surtout à ne pas vouloir être Allemands. L’Autriche, il est vrai, a plus d’une fois invoqué, comme une marque de la vieille fidélité tyrolienne, les souvenirs de la prise d’armes de 1809, de ce mouvement dont l’infortuné André Hofer fut le héros populaire ; mais d’abord de quel Tyrol voulait-elle parler ? En outre, lorsque les Tyroliens du sud se levaient avec les Tyroliens du nord en 1809, c’était moins en faveur de l’Autriche que contre la domination bavaroise ou française. L’Autriche s’offrait à eux comme une alliée, comme une protectrice si l’on veut, et ce fut la protectrice, l’alliée qui trahit leur cause en les abandonnant pour se sauver elle-même. Enfin depuis 1809 cinquante ans sont passés, le sentiment italien n’a fait que se propager et se fortifier parmi ces populations, et ce sentiment éclatait en 1848 dans le Trentin comme dans toutes les autres parties de la péninsule. En peu de jours, l’insurrection était maîtresse du pays tout entier, sauf la ville de Trente, restée aux mains des Autrichiens. Les volontaires remplissaient les vallées. Et quels étaient les chefs du soulèvement ? C’étaient des prêtres, des médecins, des avocats, l’abbé Meneghelli, le docteur Martinoli, le docteur Taddei. Ce mouvement fut malheureux comme tous les mouvemens italiens de ce temps ; il n’était pas moins le signe ostensible du lien moral qui s’est formé, qui n’a fait que se resserrer entre les populations du Trentin et l’Italie nouvelle.

C’est tout simple d’ailleurs, puisque les intérêts rattachent le pays de Trente à l’Italie aussi bien que le sentiment d’une nationalité commune. Quelle est la principale issue, le plus facile moyen de communication pour ces contrées ? C’est l’Adige, le fleuve italien qui, en s’échappant des Alpes, court à travers la Vénétie vers l’Adriatique et les régions inférieures du Pô. C’est vers les provinces lombardes ou vénitiennes bien plus que vers les provinces transalpines que le courant du commerce s’établit naturellement. Le Trentin envoie à l’Italie ses bois, ses métaux, ses bestiaux surtout ; il en reçoit les grains qui lui manquent. L’industrie de la soie lui est commune avec la plaine du Pô. C’est en Italie que les pauvres habitans de ces montagnes émigrent et vont chercher du travail, et les troupeaux du Tyrol italien vont passer six mois de l’année dans les pâturages de la Lombardie.

Economiquement le pays de Trente se lie donc au système italien, et il ressent dans ses intérêts le contre-coup de tout ce qui arrive dans la péninsule. Son commerce et son industrie ont souffert singulièrement du trouble jeté dans ses rapports avec la Lombardie par les changemens dont la guerre de 1859 fut le principe, et il demandait alors comme compensation d’être