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côté du lac d’Idro, de la division Médici du côté du Vénitien, les uns et les autres s’avançant jusqu’à la dernière heure sur Trente, comme pour donner à l’occupation du pays l’autorité d’un fait accompli au moment de la paix.

Celui qui jetterait les yeux sur une carte du pays de Trente revue par la diplomatie pourrait se croire perdu dans une vraie forêt d’Allemagne. On a commencé par germaniser les noms. On a changé Bressanone ou Brissino en Brixen, Bolzano en Botzen, la Chiusa en Klausen, Glorenza en Glurns, Pusteria en Pustherthal. En réalité, cette métamorphose est purement extérieure et diplomatique. Ce pauvre Trentin avec ses gorges profondes et pittoresques, avec ses mœurs simples, avec sa population fine et sobre, n’a rien d’allemand. Il y a même cela de curieux que ce nom de Tyrol appliqué à ces contrées n’a rien d’exact et est d’invention toute récente. Le vrai Tyrol, le Tyrol allemand ou autrichien, est au nord des Alpes. Le pays de Trente et de Bressanone a toujours eu une existence à part ; toutes ces vallées de Ledro, de Sugana, de Giudicaria, de Fieme, de l’Adige, dépendaient autrefois de Bergame, de Vérone ou de Venise. Les traités de 1815 eux-mêmes désignèrent ce pays d’une façon distincte sans le confondre avec l’autre Tyrol, et dans des temps plus récens, lorsque la fortune sembla sourire un instant à la guerre de l’indépendance de 1848, lord Palmerston, entrevoyant l’inévitable scission entre l’Autriche et l’Italie, recherchant la frontière qu’il serait possible d’établir entre les deux états, plaçait par à peu près cette limite vers Bolzano au-dessus de Trente. C’est qu’en effet ces contrées n’ont rien de naturellement commun avec le Tyrol allemand ; elles se rattachent à la péninsule par leur histoire, par leur position, par leurs intérêts, par leur esprit, par une nécessité de défense pour l’Italie.

C’est après tout une destinée ballottée que cette destinée du Trentin depuis un demi-siècle et plus. Il ne cessait d’être une principauté indépendante en 1799 que pour devenir un de ces pays qui servent éternellement de compensation entre les puissans de ce monde. Napoléon souffle sur cette principauté ecclésiastique et la réserve un moment pour la donner comme indemnité au grand-duc de Toscane, puis il la livre à l’Autriche, et c’est là le vrai commencement, la première période de la domination impériale dans les vallées italiennes des Alpes. De l’Autriche la principauté de Trente passe à la Bavière par la paix de Presbourg, et ce n’est que vers 1810 enfin, à la suite de la paix de Schœnbrunn, après quelques années d’une existence incertaine et agitée, qu’à défaut de sa vieille autonomie elle semble retrouver une condition plus naturelle : elle est rattachée au royaume d’Italie, et devient le département du