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porro unum necessarium, c’est le moment où tout se résume encore dans cette suprême alternative : être ou n’être pas ! L’embarras et l’obscurité commencent lorsqu’il s’agit, non plus de reconnaître un droit, mais de lui tracer des limites, lorsque cette indépendance reconquise au prix de mille efforts en vient à se fonder, à s’organiser, à chercher sa vraie sphère d’action. Alors surgit tout un ordre de complications nouvelles. Le problème passe pour ainsi dire du centre à la circonférence, le mal va du cœur aux extrémités avant de s’évanouir tout à fait. Ce n’est plus, en un mot, une question d’existence qui se débat, c’est une question de frontières qui s’élève, qui, sans avoir la même importance, sans intéresser au même degré le sentiment national, ne laisse point d’avoir sa gravité, ne fût-ce que par les nuages qu’elle soulève. Sur ces frontières indécises se trouvent en présence, comme dans une dernière rencontre, une domination réduite à battre en retraite et une nationalité reconstituée qui s’avance impatiente d’arriver aux limites de son expansion légitime, inquiète de savoir où elle doit planter son drapeau.

C’est dans cette phase que l’Italie vient d’entrer après bien des luttes préparées, soutenues pour une indépendance qui peut être considérée aujourd’hui comme définitivement victorieuse. La Vénétie, c’était encore pour elle le nécessaire, ce nécessaire sans lequel une nationalité mutilée et incomplète reste toujours exposée à quelque coup de vent de la mauvaise fortune. Le Trentin, Trieste, l’Istrie, toutes ces questions que l’Italie n’a pu trancher par la guerre, que la paix ne résoudra pas, qui restent par conséquent en suspens, ces questions ne sont plus le nécessaire, ou du moins elles n’ont point toutes également ce caractère. Elles ont de plus un malheur, elles sont obscures ; elles forment autour de cette intégrité reconstituée de l’Italie, sur tout un côté de cette masse territoriale agglomérée et unifiée depuis six ans, comme une ceinture de points vagues, contestés, qui échappent à une démarcation précise, où les prétentions opposées viennent se heurter, bataillant sans fin sur le droit ancien et sur le droit nouveau, sur les frontières naturelles et sur les frontières diplomatiques, sur l’ethnographie et sur l’histoire. C’est cette obscurité que je voudrais éclaircir en dégageant les traits caractéristiques d’une situation où l’Italie a désormais beaucoup moins à se prémunir contre une domination démantelée qu’à réserver et à préparer l’avenir sur certains points, où de son côté l’Autriche, si elle était sensible à la puissance des événemens, serait bien plus intéressée à s’assurer au-delà des Alpes une alliance utile qu’à défendre quelques positions dont l’importance diminue singulièrement dans les conditions nouvelles qui lui