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troupes serrées de trop près pourraient se retirer au besoin, se défendre à outrance et attendre l’arrivée des secours. Avec un soin minutieux, le général en chef veilla lui-même à l’exécution de ses ordres, et tous les ouvrages de Mexico furent élevés et achevés sous ses yeux. A mesure qu’il passait dans les places des hauts plateaux, il faisait poursuivre le même travail. Cette mesure prévoyante fut couronnée d’un plein succès. Pas un poste ne fut enlevé sur les derrières de l’armée opérant dans mille directions. Ce même système, appliqué aux villes frontières comme il l’a été aux villes du centre, les rendrait inexpugnables. Plusieurs déjà ont été fortifiées par les Français, et les églises, ainsi que les couvens de vieille construction espagnole, que l’on rencontre partout, présentent une épaisseur de murailles qui favorise ce genre de défenses. Lors du tirage au sort, il serait très utile de laisser rigoureusement à chaque ville les soldats de sa circonscription ; ce serait un appui naturel pour les garnisons, car les Indiens devenus propriétaires seraient intéressés à bien servir, et, grâce au voisinage de leurs familles et de leurs biens fonciers, acquerraient de plus en plus l’amour du sol natal.

Jamais les États-Unis ne déclareront une guerre ouverte au nouvel empire, quoiqu’ils recherchent les annexions ; mais ils favoriseront indirectement le passage des flibustiers, toujours prêts à faire irruption au-delà du Rio-Bravo pour grossir les rangs des juaristes. Dans l’état actuel, l’armée mexicaine est incapable de couvrir le cours du long fleuve qui sert de frontière aux deux pays ; il en serait autrement, si une garnison solide, fidèle à son drapeau, se levait sur la rive mexicaine réduite au parcours de Matamoros à Monterey ; les contrebandiers et les aventuriers hésiteraient à franchir le fleuve. Les douanes de Matamoros, le port frontière, grossies des recettes qui ont été jusqu’ici fraudées, augmenteraient comme celles des autres ports du golfe, devenus les seuls débouchés ouverts à l’importation et à l’exportation. Avant la guerre, Tampico voyait ses revenus s’élever à 7 millions de francs ; Vera-Cruz encaissait plus de 11 millions, et Tuxpan, le port intermédiaire, produisait 1,800,000 fr. Quand la sécurité commence à régner, les échanges appellent les échanges. Le développement des ports, qui exige certains travaux, solliciterait vite l’attention du gouvernement.

Le Mexique, assis sur deux mers, ne peut rester plus longtemps étranger au mouvement maritime qui relie les deux mondes. Le spectacle grandiose de la marine américaine est fait pour stimuler son désir de se créer une force navale destinée à protéger ses ports du golfe et ceux du Pacifique : qu’il forme donc des écoles pour les marins recrutés dans la population côtière ; ce seront les gardiens naturels des ports. Il n’est pas nécessaire de lancer des vaisseaux de haut bord ; mais les villes du golfe, Tampico, Matamoros, Tuxpan,