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Français, qui sont à ses yeux des conquérans ; mais il repousse les Autrichiens et les Belges comme venus après coup. Tout en rendant un juste hommage aux qualités militaires de ces deux contingens, l’expérience a prouvé que leur tempérament s’accommodait moins facilement que le nôtre du climat mexicain, et le climat est un ennemi avec lequel il faut compter. Puis le pays n’est que trop habitué aux costumes militaires de toutes couleurs, il faut plutôt chercher à le ramener à l’unité de costume. La légion étrangère et l’armée régulière seraient désormais les seules forces reconnues dans tout l’empire.

La mesure la plus urgente, si on veut sérieusement réorganiser l’armée, est la création d’une administration militaire ; il n’en existe, à proprement parler, aucune jusqu’à présent dans les troupes mexicaines. Le soldat qui n’est point régulièrement payé, vêtu et nourri devient forcément pillard, et cause de graves dommages à l’habitant. Ces hordes de femmes qui se traînent à la suite des colonnes en marche, butinant çà et là les vivres du soldat, doivent disparaître pour faire place à un corps d’intendance qui serait aussi sévèrement contrôle qu’il contrôlerait lui-même l’économie des corps, l’authenticité des effectifs et la régularité du paiement de la solde, trop souvent détournée par les chefs. Les 40,000 hommes pourraient se diviser en 30,000 fantassins, 6,000 cavaliers et 4,000 soldats d’artillerie, de génie et autres armes. Les postes de plaine seraient réservés à la cavalerie. La cavalerie est coûteuse ; il y a intérêt à la réduire en un pays très accidenté, où le fantassin est infatigable et lasserait un cheval dans une course prolongée. D’ailleurs le cavalier mexicain ruine facilement sa monture tant par le peu de soin qu’il en prend que par la facilité avec laquelle il lui dérobe souvent partie de sa ration de maïs. La race chevaline, décimée par de longues guerres civiles, a besoin de repos et d’amélioration. Les remontes auront tout bénéfice à n’accepter que les meilleurs sujets, qu’elles paieront de façon à encourager les efforts des éleveurs. Le Tamaulipas est aujourd’hui l’état le plus riche en manadas (troupes de chevaux) propres au service. Les Mexicains sont très bons artilleurs, et les canons ne leur manquent pas ; il y aurait même prudence à diminuer le nombre des bouches à feu, trop souvent abandonnées à l’ennemi.

Toutes les villes du Mexique sont des villes ouvertes. Le maréchal Bazaine, avant son départ pour la campagne de 1864 dans l’intérieur, afin d’éviter toute surprise sur ses derrières pendant que l’armée marcherait en avant, avait résolu que Mexico et tous les points importans seraient fortifiés, armés, approvisionnés, et que dans chaque place de l’empire serait construit un réduit où les