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par excellence. L’armée mexicaine doit donc être licenciée pour être reformée aussitôt sur le modèle français. Ce serait rendre bien des bras oisifs à l’agriculture si délaissée. Avant de procéder à la réorganisation, la leva, sorte de presse militaire qui, quoique abolie en 1864 par un décret de la régence, est encore mise en pratique, doit disparaître. Il faut que ce moyen barbare, issu de la conquête espagnole, fasse place à une conscription frappant également sur toutes les classes. Pour rendre la conscription facile et plus douce, qu’on la fasse précéder de l’émancipation complète des peones, jusqu’ici esclaves de la glèbe. Les Indiens ont toujours été enrôlés de force et entraînés loin de leurs familles. Quel intérêt pouvaient avoir à guerroyer ces malheureux, jetés des rangs du vaincu aux rangs du vainqueur ? Du même coup, si on veut faire des citoyens, ce qui manque au Mexique, où le mot de patrie est sans signification, il faut rendre les peones propriétaires fonciers. Les communes sont assez riches aujourd’hui que les quatre cinquièmes de la terre n’appartiennent plus en entier aux communautés religieuses. Il y a d’immenses terrains incultes dans chaque province, puisque sur certains points on ne compte que cinq habitans par lieue carrée. Que l’état en concède la moitié aux Indiens et conserve l’autre pour la colonisation. Les nouveaux propriétaires, en défendant leur coin de terre, apprendront à défendre le sol national. C’est alors seulement que la conscription pourra donner de vrais soldats pour la garde des frontières et des villes. Quant aux officiers, les cadres, reformés avec soin et ramenés à un chiffre normal, s’ouvriraient aux anciens serviteurs que des examens ou des états de service recommanderaient le plus au choix du souverain. L’armée française, concentrée dans le nouvel empire et assistant au licenciement et à la reconstitution des troupes mexicaines, en imposerait aux mécontens éliminés. Jadis la république mettait sur pied 32,000 hommes réguliers et 27,000 hommes de réserve. Les onze états du centre, qui sont les plus populeux du Mexique, pourraient facilement appeler sous les drapeaux 22,000 soldats. A côté de ces contingens se trouverait la légion étrangère, que le maréchal Bazaine organise aujourd’hui très activement, et qui sera composée en grande partie de Français. La légion comprendra six forts escadrons de cavalerie, et, lorsqu’elle se sera grossie de nos militaires libérés qui demeureront au Mexique après l’évacuation et du corps des contre-guérillas, ce sera une force respectable qui devra s’élever à 18,000 combattans. Ces deux effectifs pourraient suffire à tout.

La répartition des 40,000 hommes est tout indiquée. Nous avons. compté dix villes frontières ; il faut y ajouter trente villes du