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l’éclosion, les données certaines leur faisaient à peu près défaut, ou elles se résumaient dans quelques témoignages dont, Séroux d’Agincourt excepté, personne au commencement de ce siècle n’avait encore paru tenir grand compte. Survinrent en Allemagne les travaux de Rumohr, de Kügler et de plusieurs autres, en France quelques essais diversement intéressans, en Italie enfin les recherches entreprises par les érudits dont nous rappelions tout à l’heure la persévérance féconde et le zèle. Désormais la question était, sinon résolue, au moins en bonne voie de solution, et l’attention publique en éveil. En nous parlant de tel vieux maître trecentista dont nos pères auraient peut-être ignoré jusqu’au nom, on ne courrait plus le risque de s’adresser à des esprits indifférens ou défavorablement prévenus ; en remontant aux époques primitives, aux incunables de la peinture en Italie, on n’aurait plus à craindre d’outrager par un semblant d’ingratitude, la gloire des maîtres souverains et l’admiration due aux époques qu’ils ont illustrées.

MM. Crowe et Cavalcaselle ont jugé avec raison le moment propice pour continuer à cet égard la justice et pour achever de consacrer tous les souvenirs d’un passé trop longtemps raccourci à plaisir ou involontairement méconnu dans plusieurs parties essentielles. Les volumes de leur ouvrage aujourd’hui publiés et comprenant la série des faits et des travaux qui se succèdent avant le siècle des progrès suprêmes sont, jusqu’à présent, le précis le plus exact, l’ensemble d’informations le plus complet que l’on nous ait donné sur ce sujet. Sans songer à résumer dans un simple article une histoire aussi compliquée de détails, encore moins à recommencer ce qui vient d’être fait et bienfait, nous voudrions indiquer quelque chose des caractères qui distinguent eu des mérites qui recommandent les débuts de la peinture en Italie. Peut-être, même en dehors de l’occasion fournie par la nouvelle publication, un pareil essai ne sera-t-il pas sans opportunité à l’heure où nous sommes. On se souvient de certaines conjectures ou appréciations critiques qui se sont produites récemment, de certains efforts, aussi brillans d’ailleurs que hasardeux, pour approprier l’art italien et son histoire aux exigences de la fantaisie humoristique. A ceux qui ne veulent reconnaître dans les plus nobles monumens de la peinture italienne que des portraits ressemblans de « l’animal humain, » comme aux gens qui pourraient être tentés de les croire sur parole, ne convient-il pas de rappeler par des exemples irrécusables la tradition toute contraire fondée dès les premiers jours, et se continuant ensuite, se confirmant à mesure, que les formes d’expression s’améliorent, à mesure que l’habileté pittoresque grandit ? Aux théoriciens de l’incrédulité en matière de génie et d’inspiration