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Garde-t-elle un peu trop les stricts caractères de la narration ; peut-être cet extrême désintéressement personnel ne laisse-t-il pas de compromettre parfois l’autorité du juge ou l’influence du critique, et de réduire presque la fonction de celui-ci au simple rôle d’un chroniqueur. Ne nous en plaignons pas trop au surplus. L’habitude de s’effacer derrière les gens ou les souvenirs qu’on ressuscite n’est pas si fort dans les inclinations de notre temps que la contagion d’un pareil défaut nous semble en réalité un danger bien redoutable. Qu’il nous suffise donc d’en avoir indiqué quelque chose dans le cas particulier dont il s’agit. Cette réserve une fois faite sur la nature des procédés d’exécution adoptés par MM. Crowe et Cavalcaselle, il ne nous reste plus qu’à louer ce qu’il y a dans leur savant travail de logique au point de vue de la composition, de foncièrement sain au point de vue des doctrines. Nous avons le devoir surtout de rendre hommage à d’aussi studieux efforts pour mettre en lumière toutes les circonstances historiques et pour contrôler tous les détails que le sujet comporte, de manière à ne laisser de place nulle part à une tradition équivoque ou à un renseignement suspect.

Suit-il de ce qui précède qu’avant l’History of painting in Italy aucun livre n’existât sur la matière, et qu’en Italie même tout se réduisît à quelques travaux partiels, à des études plus ou moins étendues sur la vie de certains maîtres ou sur la marche isolée de certaines écoles ? On ne saurait sans injustice oublier ainsi plus d’une entreprise antérieure à celle que poursuivent MM. Crowe et Cavalcaselle, et moins qu’aucune autre la très estimable Histoire de la peinture italienne dont l’abbé Lanzi achevait la publication en 1809. Trente ans plus tard, l’auteur de plusieurs romans et de poésies dont on n’a pas oublié le succès, M. Rosini, reprenait le même thème, et le développait à son tour avec un talent littéraire assez remarquable pour dissimuler à peu près sous les dehors de la certitude les secrètes hésitations du goût pittoresque ou du savoir. Toutefois ni Lanzi malgré son érudition et la netteté de son esprit, ni M. Rosini malgré les séductions de son style, n’ayant si bien épuisé le sujet que rien après eux ne restât plus à tenter. Les deux écrivains d’ailleurs pouvaient-ils deviner le mouvement archéologique qui devait suivre, et profiter à l’avance des découvertes que d’autres allaient faire ? Au point où se trouvaient de leur temps la science et la critique, ils étaient en mesure de retracer avec une précision suffisante l’histoire de la peinture italienne à partir de la seconde phase de la renaissance ; mais pour ce qui intéresse les origines même de l’art national, pour tout ce qui appartient à la périple d’incubation en quelque sorte et aux phénomènes de