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lui[1], cette église, dirigée par une dizaine de missionnaires européens, serait aujourd’hui de 7,000 fidèles, dont 4,000 à Bangkok. Le seul secours régulièrement reçu, par elle de la maison-mère consiste en une subvention annuelle de 20,000 francs.

En 1833 une mission protestante envoyée des États-Unis vint s’établir à Siam, et, comme on pouvait s’y attendre, l’effet produit par cette divergence de cultes fut loin d’être favorable, d’autant plus, que plusieurs des sectes du protestantisme ne tardèrent pas à être aussi représentées à Bangkok, baptistes, presbytériens, congrégationaux. Cependant les nouveau-venus se faisaient, étrangement illusion. « Cette terre sera bientôt toute à Emmanuel, » écrivait l’un d’eux en 1839. Longtemps ils vécurent dans la persuasion que les races diverses dont ils étaient entourés brûlaient du désir d’embrasser la foi nouvelle, et cela alors qu’ils comptaient moins de disciples que d’années de séjour dans le pays. Sir John Bowring lui-même doutait en 1857 qu’on pût trouver dix Siamois protestans malgré les bibles et les livres de piété qui avaient été répandus par centaines de mille. On s’explique difficilement la persistante confiance apportée par les sociétés bibliques à ces distributions, dont l’expérience semble avoir démontré la presque inanité. Le séjour de cette mission à Siam n’a d’ailleurs pas été sans utilité ; elle a contribué à y répandre nombre de connaissances profitables, et c’est ainsi que le seul journal publié à Bangkok sort d’une imprimerie qui lui appartient.

Si peu orthodoxe que puisse paraître cette vérité, tout porte à croire que les traités récemment conclus avec la France, l’Angleterre, la Hollande et les États-Unis réussiront mieux que les missions à convertir les Siamois à nos idées et à notre civilisation. Dès le début en effet, le commerce avec l’étranger atteignit immédiatement un chiffre de 100,000 tonneaux, bien que l’on ne comptât guère plus de 150 Européens à Bangkok, et aujourd’hui 300 navires de tous pavillons sillonnent annuellement les eaux du Meinam, alors que jadis le trafic maritime du fleuve en occupait à peine une douzaine. L’importance inattendue du pavillon siamois dans ce mouvement mérite d’être signalée ; car non-seulement il représente presque le tiers du tonnage total, mais plusieurs des bâtimens qui le portent, ont été construits dans le pays. C’est à regret qu’il faut ajouter que jamais ce commerce ne connaîtra son entier développement tant, que subsistera le déplorable système de monopoles, de fermes et de restrictions si cher à la cour de Bangkok ; il suffit à

  1. Description du royaume Thaï ou Siam, par Mgr Pallegoix, évêque de Mallos, vicaire apostolique de Siam ; Paris 1854.