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Le fondateur de la mission catholique fut Mgr de Lamothe-Lambert, évêque de Bérythe, arrivé à Siam en 1662 avec quelques missionnaires après un pénible voyage de trois ans à travers le continent asiatique. Pendant dix-sept ans, il resta sur la brèche, infatigable dans son œuvre de dévouement, et il eut la satisfaction de la laisser dans un état prospère lors de sa mort survenue en 1679. On ne connaît pas moins de trente-six prêtres européens, français pour la plupart, et tous travaillaient de concert à s’assurer un succès auquel aidait efficacement la faveur royale. De loin en loin, quelque conversion marquante., quelle miracle même, étaient accueillis comme un signe visible d’en haut. Enfin le tout-puissant concours de l’aventurier Phaulkon, devenu premier ministre, mit le comble à des espérances dont on ne mesurait plus la portée. Ce fut sans contredit la plus belle époque de la mission, et, lorsque en 1685 l’ambassade du chevalier de Chaumont vint donner à l’influence française un gage de la plus haute protection, l’enthousiasme des propagandistes put croire un instant le succès assuré. Nous avons dit combien ce triomphe fut de courte durée : le vieux parti national siamois ne pouvait voir sans inquiétude cette prédominance étrangère ; tolérant par indifférence tant que rien n’éveillait ses soupçons, il devait cesser de l’être le jour où le caractère de la mission deviendrait ouvertement politique, et la fin tragique de Phaulkon en 1689 fut le résultat de cette réaction facile à prévoir. Un régiment français envoyé par Louis XIV put à grand’peine s’échapper et gagner Pondichéry ; en même temps le successeur de l’évêque de Bérythe, Mgr de Métellopolis, fût emprisonné avec tout le personnel de la mission, et il ne recouvra sa liberté qu’au bout de deux ans, pour terminer peu après, en 1697, sa carrière agitée. La crise passée, les haines se calmèrent, et le prélat qui vint ensuite, Mgr de Cicé, put exercer paisiblement son ministère jusqu’à sa mort, en 1727. Mgr de Rosalie le remplaça et eût le même sort ; il était dans la destinée de ces vaillans ouvriers de la foi de s’éteindre tous loin de la patrie, fidèles à leur poste jusqu’à la dernière heure. Survinrent les invasions des Birmans, qui, à diverses reprisés, dévastèrent le royaume de Sîam et dispersèrent la petite communauté chrétienne. Elle se reconstitua néanmoins, et atteignit le XIXe siècle à travers une série d’alternatives mal justifiées de bon et de mauvais vouloir chez les Siamois. En 1822, il y avait vingt ans que la France n’avait pas envoyé de missionnaires à Bangkok ; mais le travail de propagande fût repris alors avec un zèle qu’aucun découragement ne pouvait atteindre, surtout à partir de 1830, lors de l’arrivée de Mgr Pallegoix. Il fut sacré en 1838 douzième évêque de Siam et mourut en 1864. D’après