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avait à se louer de la complaisance du pape, à lui donner une sorte de satisfaction partielle par la rétrocession de quelques portions de ses anciens domaines ; déjà il lui en avait fait parvenir l’assurance. Quant aux trois légations, c’est-à-dire aux provinces les plus considérables et les plus riches de l’apanage du saint-siège, elles étaient, dans sa pensée, destinées à doter la nouvelle république italienne. A aucun prix, il n’entendait s’en dessaisir ; mais, si peu disposé qu’il fût à réaliser les désirs du saint-père, il lui convenait encore moins de le décourager complètement. Dans une lettre écrite tout entière de sa main au plus fort des difficultés théologiques que nous venons de raconter, Pie VII s’était adressé au premier consul avec une absolue confiance et une touchante ouverture de cœur. Il lui avait exposé avec détail la grande détresse où la cour de Rome était réduite depuis les derniers changemens survenus en Italie. « Devons-nous craindre, s’écriait douloureusement le saint-père, que vous ne vouliez nous traiter moins bien que les autres princes auxquels vous accordez des indemnités ? Devons-nous craindre de vous que le résultat de cette guerre, qui n’aura pas fait perdre une palme de terrain à la majesté du roi de Naples, notre voisin, sera tellement désastreux pour le saint-siège qu’il aura à perdre la moitié de ses états et ses domaines les plus riches ?…. Nous vous prions de penser à l’absolue impossibilité de subsister où se trouve la souveraineté de notre principat temporel, oppressée comme elle l’est par des charges immenses, privée presque entièrement des subsides avec lesquels l’étranger contribuait autrefois au maintien et à l’honneur du chef de la religion… Les subventions à donner à soixante-dix cardinaux, aux nonces accrédités à l’étranger, aux nombreux prélats qui sont nécessaires à l’expédition des affaires ecclésiastiques, nous mettent dans la plus grande pénurie… C’est pourquoi nous implorons de votre cœur magnanime, sage et juste la restitution de trois légations et une compensation pour la perte d’Avignon et de Carpentras, et nous ne doutons pas, suivant les flatteuses expressions dont vous avez frappé nos oreilles, que vous rivaliserez dans la gloire de bienfaiteur du saint-siège avec les anciens chefs (reggitori) de la France, auxquels, comme nous nous faisons un devoir de le rappeler, nous devons tant de reconnaissance[1]. »

M. Cacault, conseiller très écouté du saint-père, dans ses communications personnelles avec le premier consul, n’avait trouvé à redire qu’au passage relatif au roi de Naples. Il avait traité de petite jalousie de voisin l’allusion faite à la situation comparativement

  1. Lettre de Pie VII au premier consul, 24 octobre 1801.