Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/367

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur domicile n’était pas même connu de la chancellerie romaine. Ceux-là n’avaient pas encore reçu la lettre par laquelle la démission leur avait été demandée, ou, s’ils l’avaient reçue, n’avaient pas encore eu le temps d’envoyer leur réponse à Rome. Il aurait. beaucoup coûté au saint-père, et personne n’était fondé à lui demander de déposer violemment de vieux et dignes évêques à qui le temps seul avait peut-être manqué pour lui donner d’eux-mêmes la marque la plus touchante de leur filiale obéissance. Il y a plus, les changemens successifs que le premier consul avait fait introduire dans la bulle de circonscription des diocèses avaient nécessité de nouvelles délibérations de la part du sacré-collège. Il était donc lui-même une des causes de ce retard qui avait si fort excité sa mauvaise humeur. On avait fait à Rome tout ce qui était possible pour entrer dans ses vues. Hormis sur cette question délicate de la nomination des évêques constitutionnels, à laquelle répugnait si vivement la conscience du pape, la chancellerie romaine, loin de susciter des difficultés, s’était prêtée d’elle-même et par avance à tous les désirs du premier consul. Pour preuve de sa bonne volonté, elle consentait aujourd’hui, ce qu’elle avait refusé d’abord, à donner au cardinal-légat le bref nécessaire pour qu’il pût, au nom de sa sainteté, donner l’institution canonique aux nouveaux titulaires[1].

En transmettant à M. Portalis les communications du secrétaire d’état de sa sainteté, M. Cacault les accompagnait de réflexions que le directeur des affaires ecclésiastiques, s’il en avait eu le courage, eût été plus qu’un autre en état de soumettre au premier consul, et qui, présentées en temps utile, auraient peut-être arrêté les éclats de sa colère feinte ou réelle, mais qui en tout cas se trouvait être aussi injuste qu’inutile. «… Je dois à la justice et à la vérité, disait M. Cacault, de vous certifier que le saint-père et le secrétaire d’état agissent de la meilleure foi et avec le plus sincère désir de contenter le premier consul ; ils ont le même intérêt que nous à l’accomplissement de la pacification et de la réconciliation. Le pape a déclaré constamment au sacré-collège qu’il était résolu d’accorder au gouvernement français tout ce qu’il demanderait, pourvu que la demande ne blessât ni les principes ni le dogme ; mais le saint-père a été nourri et élevé dans un cloître, et s’est uniquement appliqué toute sa vie à l’étude de la théologie en ecclésiastique dont la foi est sincère et la vie toute chrétienne. Il descendrait du trône pontifical pour aller au martyre plutôt que de ratifier une doctrine erronée aux yeux de l’église[2]. » — « Le

  1. Le cardinal Consalvi au citoyen ministre Cacault, 30 novembre 1801.
  2. Lettre de M. Cacault à M. Portalis, 2 novembre 1801.