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Montecuculli qui a fourni de glorieux serviteurs à l’empire. Vice-légat à Ravenne dès l’âge de vingt-cinq ans, il avait été successivement nonce à Lucerne, puis à Vienne. Dans cette dernière résidence, il avait su se faire bien venir de l’empereur Joseph II et de son ministre, M. de Kaunitz. C’était précisément l’époque où la cour impériale appliquait avec le plus d’ardeur un plan de réformes ecclésiastiques très vanté alors par l’école philosophique et que la cour de Rome repoussait de toutes ses forces. Dans cette situation difficile, Caprara, quoique sa doctrine fût restée très orthodoxe, ne s’était pas maintenu dans les bonnes grâces du souverain autrichien sans avoir éveillé les ombrages de sa propre cour. On avait taxé à Rome de molle complaisance et de faiblesse coupable les concessions que, par modération sans doute, il avait cru devoir faire aux exigences de la chancellerie impériale. Le saint-père et le cardinal Consalvi craignaient non sans raison que, mis en présence à Paris d’un pouvoir autrement fort et autrement imposant, leur mandataire ne fît preuve encore une fois d’une excessive condescendance. Telle parut être en effet, pendant le cours de sa longue mission, la pente du cardinal Caprara. Il ne manquait ni de talens ni de vertus. Riche de son propre patrimoine et des biens de l’église, il avait toujours fait l’usage le plus généreux et le plus chrétien de sa très grande fortune. Son extérieur noble et décent était empreint d’une certaine bonne grâce ecclésiastique où l’enjouement ne manquait point ; mais l’âme n’était pas très forte. Témoin épouvanté des troubles excités à Rome par la révolution française, il en avait reçu dans sa santé une atteinte qui avait, à cette époque, fait craindre pour sa vie, et jamais depuis cette impression du mal que la violence des partis pouvait faire à la religion catholique ne s’était entièrement effacée de son esprit. L’avènement au pouvoir de l’homme qui avait rompu avec les traditions jacobines du directoire avait, selon lui, ouvert une voie de salut inespérée à l’église romaine. Il était d’avis qu’il fallait se jeter sans marchander dans les bras du premier consul, et qu’un système de déférence habituelle pouvait seul sauver Rome d’une ruine entière tant pour le spirituel que pour le temporel, étant donné le caractère de celui dont l’omnipotence était universellement reconnue. « Il faut, disait volontiers Caprara, rester à tout prix sur ses pieds, parce que, si l’on tombe une fois, on ne se relève plus. » — « Avec cette maxime, ajoute Consalvi, il légitima une infinité de choses qu’à Rome on aurait bien souhaité qu’il n’approuvât jamais. Avec des intentions très pures, il agit souvent sans prendre les ordres du pape, et quelquefois même, croyant bien faire, contre ses ordres. Les choses consommées se trouvaient alors sans remède, et les réclamations