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ami. Tous deux étaient également désireux de mener à bien jusqu’à son terme l’œuvre si laborieusement commencée. Il semblait qu’il ne s’agissait plus que de la faire accepter par le sacré-collège. À cela point de sérieuse difficulté, car s’il y avait dans la société romaine un parti hostile à la France, il avait peu d’adhérens parmi les cardinaux. Le pape tint à les réunir en congrégation générale, afin d’avoir leur avis sur la ratification. Deux articles seulement soulevèrent une courte discussion. La promesse faite de ne pas réclamer contre la vente des biens du clergé fut timidement critiquée, mais il n’y eut pas même de vote. La restriction mise à la publicité du culte, restriction que le cardinal Consalvi avait si vivement combattue et qu’il avait réussi à faire beaucoup atténuer, fut l’objet d’une controverse un peu plus vive. Onze voix la blâmèrent ; dix-neuf ou vingt voix approuvèrent au contraire la transaction qu’avait suggérée le ministre de sa sainteté. Pie VII, qui parla le dernier afin de laisser une entière liberté de discussion aux membres de la congrégation, fit ressortir avec chaleur l’impossibilité où l’on avait été d’obtenir aucune modification sur ce point, objet déjà de tant et de si longs débats. Un certain temps avait été nécessaire pour distribuer aux membres du sacré-collège des copies du concordat et leur permettre de l’examiner à loisir ; cependant la cour de Rome, si lente d’ordinaire dans ses délibérations, avait été si expéditive cette fois que trente-cinq jours seulement après la signature du concordat l’approbation officielle des cardinaux et la ratification du pape arrivèrent à Paris par un courrier extraordinaire.

On espérait au Vatican, pour prix de tant de zèle, apprendre par le retour de ce même courrier la nouvelle de la publication du concordat. Loin de là, il apportait de très vives instances de la part du premier consul au sujet de la teneur de la bulle. Napoléon n’était plus content de celle qui avait été rédigée à Paris par le cardinal Consalvi d’accord avec l’abbé Bernier. Il avait fait ses réflexions et trouvait qu’il y fallait supprimer beaucoup de choses. Il désirait aussi que l’on s’entendît sur les mesures relatives au mariage des prêtres et sur quelques autres points de discipline ecclésiastique dont il n’avait pas encore été question. Il insistait enfin sur l’envoi d’un cardinal-légat comme devant précéder la publication du concordat. Le pape, par un véritable esprit de modération, céda de bonne grâce à toutes ces instances, qui, faites coup sur coup, sans qu’il en eût été prévenu, ne laissaient pas que de le troubler un peu ; mais, dans ce moment décisif où le rétablissement officiel du culte catholique en France était comme tenu en suspens,