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régime intérieur. Il y a en effet des conditions préalables à l’inauguration de ce système. il tombe sous le sens qu’il ne saurait s’appliquer ni à peine se concevoir au sein des pays où de sévères entraves sont mises par les lois à la liberté de la parole et de la presse, au droit de réunion et d’association. Telle est malheureusement la situation de la plupart des états du continent, telle est en particulier la nôtre. Chez ces nations, le recours aux concordats est indispensable ; mais de même qu’il y a, comme nous le disions tout à l’heure, des mesures diverses dans le système qui a pour point de départ l’indépendance réciproque de l’église et de l’état, de même on conçoit des degrés fort variés dans la nature des arrangemens qu’il peut convenir à ces deux puissances de contracter ensemble. Au moyen âge, l’accord était complet avec une subordination très marquée du côté laïque. De nos jours, on a cherché à établir sur le pied d’une moins grande inégalité l’alliance primitive de l’autel et du trône. Quand cette alliance est dans toute sa ferveur, quand les contractans se prêtent mutuellement et de bonne foi l’ensemble des forces dont ils disposent, c’est, à vrai dire, la main mise sur toutes les manifestations possibles de la volonté humaine, et les actes les plus inoffensifs des citoyens soumis à ce double servage n’échappent à l’une des juridictions que pour retomber sous l’autre. Cette condition était encore celle de l’Espagne pendant le règne de Ferdinand VII et celle d’une partie de l’Italie avant les dernières révolutions ; mais, grâce à Dieu, les choses ne se passent pas toujours ainsi. Le plus souvent, loin de se concéder l’usage entier des moyens d’action qui leur sont propres, l’église et l’état, en se promettant mutuelle assistance, s’engagent réciproquement à renoncer à l’usage de certaines armes, et s’imposent l’une à l’autre certaines obligations. A considérer les choses terre à terre, c’est un contrat avec balance des profits et pertes ; le meilleur donc est celui où les deux parties, en abandonnant les privilèges qui leur importent le moins, se procurent en échange les bénéfices auxquels elles croient devoir attacher le plus de prix. À ce point de vue, le concordat de Napoléon et de Pie VII passe généralement pour un chef-d’œuvre et le modèle du genre. Ce qui prouverait en sa faveur, c’est qu’après soixante ans d’application il est resté cher à l’église comme à l’état. On s’est bien un peu disputé sur les interprétations à donner à quelques-uns des articles du concordat, le texte en a été tiré, suivant les temps, tantôt dans un sens, tantôt dans un autre ; mais tandis qu’un si grand nombre de traités ont été, depuis ce laps de temps, réduits à néant, celui-ci subsiste à peu près seul dans son intégrité, et, si l’on excepte la tentative avortée de Fontainebleau et l’éphémère réaction de 1815, jamais de part ni d’autre il n’a été