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dénigrement comme aussi sans faiblesse les erreurs de conduite des gouvernemens tombés a toujours passé pour une tâche patriotique et profitable à la chose publique. Il semble que cette tâche doive être particulièrement utile à une nation qui a, comme la nôtre, changé si souvent de régime, et après chaque changement voit avec quelque désappointement les mêmes problèmes se dresser incessamment devant elle. Au premier rang de ces questions ardues, qui s’imposent de nouveau quand on les croit résolues, ne faut-il pas ranger les relations du pouvoir civil avec l’autorité catholique dont le chef siège à Rome ? Entre ces redoutables puissances point de suprématie consentie ni de subordination acceptable de l’une à l’égard de l’autre ; nulle limite non plus tout à fait nette et précise. Elles peuvent, si cela leur convient, et bien que l’œuvre soit délicate, se reconnaître réciproquement un certain champ d’action distincte, terrain propre à chacune d’elles, où l’autre s’engagera de bonne grâce à ne point pénétrer ; mais bien autrement vaste restera toujours le domaine contestable et forcément contesté où de toute nécessité il leur faudra se rencontrer ; ce domaine, ce n’est rien moins que l’homme lui-même aux actes duquel, quoique à des titres divers, toutes deux revendiquent également le droit de commander. Que si, par suite de leurs prescriptions opposées, une lutte néfaste s’engage au fond des cœurs déchirés de ceux dont elles réclament l’obéissance, qui l’emportera ? Entre ces deux maîtres impérieux, il n’y a point lieu à transaction. Aucun d’eux n’admet de tempéramens aux ordres qu’il prescrit. Les principes de leurs déterminations diffèrent d’ailleurs aussi complètement que le but même qu’ils se proposent d’atteindre. Il y a entre eux toute la distance du ciel à la terre. L’état ne se soucie exclusivement que des affaires de ce bas monde. Il n’en connaît pas d’autre et s’y confine volontairement. Quand il a tout réglé pour le mieux, c’est-à-dire à sa guise, le pouvoir civil est satisfait ; il ne prétend à rien de plus. L’église romaine a de plus hautes visées. Pour elle, c’est à peine si ce même monde existe et vaut qu’on s’en occupe. Ce qui s’y passe n’importe qu’en raison de la vie future ; mais cette vie future, c’est elle seule qui en possède la révélation, c’est elle seule aussi qui en règle les destinées éternellement heureuses ou malheureuses. De là aussi pour l’église, suivant son inexorable logique, le droit strict d’ordonner ou de proscrire dès ici-bas ce qui lui semble