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Kermanchah, de Bagdad, de Damas et d’Ispahan, jusqu’à notre âge. Qu’on nous permette d’abord de dire ici quelques mots sur l’histoire de ces contrées, afin de montrer ce qu’était en face de Byzance naissante la civilisation puissante et féconde dont elle sut s’inspirer, combien c’est à tort que certains auteurs regardent l’art byzantin comme la source de l’art persan, arabe et turc. C’est le contraire qui est vrai ; c’est Byzance qui emprunta à l’Asie ce style si nouveau pour l’Europe et qui devrait s’appeler le style perse.

L’art persan, dont la force d’extension devait être un jour si grande, se développa d’abord exclusivement entre les étroites limites du pays où il était né. La Perse reste longtemps sans influence au dehors, elle demeure pendant des siècles isolée des autres peuples, sans contact immédiat avec eux. — La Chine présente encore de nos jours un phénomène du même genre. — Bornée au nord par la mer Caspienne et les vastes chaînes du Caucase, au midi par le golfe Persique, à l’est par les ramifications immenses des monts Ourals, qui s’étendent de la droite de l’Indus jusqu’à l’entrée du même golfe, la Perse est de trois côtés séparée du reste du monde par des mers ou par des déserts. Vers le couchant seulement, le Tigre et l’Euphrate lui servent d’unique frontière du côté de la Mésopotamie, et elle soumet à son influence une partie de l’Asie-Mineure, au-delà de laquelle s’étend encore la mer. Ce pays clos était cependant le centre d’une vie intellectuelle intense. Malgré les cataclysmes qui la bouleversèrent, elle fut toujours gouvernée par des rois, et cette unité dans la forme politique maintint les lois, les mœurs, les coutumes, les arts et l’industrie dans la voie féconde de la tradition. Gardiens de toute science et des secrets de l’art, les mages les conservaient sans solution de continuité et sans défaillance de génération en génération. Cette transmission héréditaire et religieuse des procédés et de la science, de la pratique et de la théorie, se retrouve encore aujourd’hui chez les Persans. La franc-maçonnerie, devenue une institution libre, a suivi en cela l’exemple des mages ; les initiés veillent avec un soin jaloux à conserver pur de tout alliage le dépôt de la tradition et à s’en réserver le monopole. Même de nos jours, il est à peu près impossible d’obtenir d’un architecte persan la révélation des méthodes qu’il emploie pour construire ou pour tracer des arcs, des coupoles, des voûtes, des encorbellemens stalactiformes.

On sait peu de chose de la Perse avant la dynastie des Achéménides. Achéménès, vers l’an 536 avant Jésus-Christ, fut, suivant Hérodote, le fondateur qui donna son nom à cette lignée de rois où brillent les noms de Cambyse, Cyrus, Teïspès, Ariaramnès, Arsamès, Darius, Xerxès et Darius Codoman, c’est-à-dire le petit