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Babylone contre une attaque. J’ai fait bâtir le mur en briques et bitume, mur indestructible, long de 480 stades, enceinte et bouclier des sanctuaires de la ville. J’ai augmenté l’étendue du palais de mon père. » Écoutez la manière dont Nabuchodonosor parle encore du temple des assises de la terre, la gloire de Babylone, celui où se rendaient les oracles. « J’ai construit la chambre des oracles en forme de dôme recouvert d’or pur. La tour, la maison éternelle ; je l’ai fondée de nouveau et rebâtie en or, en argent, en briques émaillées, en pierre, en cèdre et en lentisque ; j’en ai achevé la magnificence. J’ai élevé le faîte du premier de ces édifices, qui est le temple des bases de la terre et le plus ancien souvenir de Babylone (depuis le moment où il a été fondé, on compte quarante-deux vies humaines). J’ai restauré la rampe qui tourne au dehors et inscrit mon nom dans les frises des arcades. Le chemin du sanctuaire, qui mène au temple situé au sommet de la tour, fait trente circonvolutions. Les arcades, les colonnes et les portes sont de différentes couleurs. J’ai élevé le sommet du temple des Sept-Lumières, la merveille de Nébo. » Plus de six siècles avant notre ère, nous avons par les Hébreux des détails sur cette civilisation. Le peuple de Judée, — dont le génie étroit et terre-à-terre ne s’était jamais élevé jusqu’à la notion de l’idéal, — n’a laissé dans les lieux où il a vécu tant de siècles ni un fragment de céramique ou de statuaire, ni une médaille, ni une pierre gravée ; il n’avait jamais pu créer un art hébraïque, quoi qu’on en ait dit, et avait été obligé d’avoir recours, quand il avait voulu bâtir le temple de Jérusalem, à des artistes de Tyr ou d’Assyrie ; aussi ses livres sacrés sont-ils à peu près muets, jusqu’à la captivité de Babylone, sur tout ce qui concerne les arts. Les Juifs n’ont pas plus tôt mis le pied sur la terre persane qu’un changement se produit en eux ; ils subissent le charme, ils sont visiblement subjugués par ce luxe, ces temples, ces splendeurs architecturales dont ils n’avaient aucune idée. Ils s’effraient de cette puissance de séduction qu’exerce sur eux la terre étrangère, mais ils ne la subissent pas moins. « Babylone, dit Jérémie, est une coupe d’or dans les mains du Seigneur ; elle a enivré toute la terre. Les nations ont bu de son vin, et elles ont été agitées. » Le caractère de la littérature juive s’en ressent. Elle n’a plus quand il s’agit d’art la même sécheresse. Les prophètes se mettent à décrire, comme feraient des archéologues, les statues, les étoffes, les bijoux des Babyloniens. Les descriptions d’Isaïe sont saisissantes ; elles nous fournissent des documens précieux sur ce qu’était Babylone au plus beau moment de sa splendeur et sur le caractère élevé de l’art qui éclatait dans les monumens. Ézéchiel n’est pas moins explicite ; il parle des idoles qui peuplaient les temples et qui présentaient une image si exacte de la