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LE
RACHAT DE JANE

SECONDE PARTIE[1].


V

Millbank, novembre. 1859.

Ces pages amoncelées dans mes tiroirs, et que j’ai dû relire pour retrouver le fil d’un récit longtemps interrompu, me suggèrent aujourd’hui bien des réflexions dont je ne m’avisais guère en les traçant. Jane et sa maternité précoce me font malgré moi songer aux pauvres enfans qu’une Providence étrangement rigoureuse fait naître dans cette demeure sombre. Comment se défendre d’un sentiment de tristesse en voyant s’ébattre dans la nursery de Millbank, devant une énorme cheminée que protège un épais grillage, ces petits êtres, insoucieux, il est vrai, de l’avenir qui les attend, mais flétris dès l’heure où ils viennent au jour, et sur qui pèse la fatalité des penchans héréditaires combinée avec celle de la première éducation qu’ils reçoivent dans un pareil milieu ? Il me semble, et je ne suis pas seule à penser ainsi, qu’on devrait les soustraire plus tôt qu’on ne le fait aux désastreuses influences d’un pareil séjour. Les anciennes règles voulaient qu’on les renvoyât, dès la seconde année, sa ceux de leurs proches qu’on jugeait capables d’en prendre soin. Maintenant, par une tolérance de plus en plus fréquente, — surtout

  1. Voyez la Revue du 1er septembre.