Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/297

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

renforts en hommes et en matériel. Ce serait plutôt dans les républiques qu’on pourrait découvrir quelques symptômes de lassitude et de mécontentement, quoique jusqu’ici, au point de vue financier du moins, elles aient eu peu à souffrir, puisque le trésor brésilien leur a fait l’avance des frais nécessités par leurs dépenses militaires. De fait, les ressources que la guerre consomme à peu près stérilement seraient mieux employées par le Paraguay à poursuivre les améliorations intérieures et le développement moral de la population, — par le Brésil à faciliter l’exécution du plan proposé par le colonel Wood pour établir dans les provinces du sud tous ceux qui, dans les anciens états confédérés de l’Union américaine du nord, répugnent à se soumettre au gouvernement de Washington, — par la confédération argentine à coloniser le désert du Chaco et à en civiliser les nombreuses tribus indiennes, ainsi que deux voyageurs français, M. Amédée Jacques et M. le capitaine Page, le croient possible.

Si, en résumant les événemens de cette campagne, on évalue les ressources que chacun des états belligérans a pu mettre en œuvre, on jugera de l’influence que les institutions politiques ont exercée chez eux sur la force militaire. Les deux républiques n’ont pu fournir que des soldats braves et résolus, mais dépourvus du matériel suffisant, animés d’un esprit d’insubordination dont la désertion du contingent de l’Entre-Rios a fourni un exemple, et assez mal organisés pour se laisser surprendre par une armée inférieure en nombre au combat de San-Cosmo et à celui de l’Estero Bellaco. Le gouvernement constitutionnel du Brésil, soumis au contrôle parlementaire, assujetti à un certain mode de recrutement, limité dans ses dépenses par un budget fixe, ne s’est pas tout d’abord trouvé en mesure de prendre l’offensive ; mais l’unité de direction résultant de la stabilité du pouvoir lui avait préparé des élémens dont il a pu tirer parti. L’armée sur le pied de paix a fourni des cadres pour les nouvelles recrues. Les arsenaux, les fonderies, les manufactures qui existent depuis longtemps, ont livré un matériel très complet. Enfin une flotte bien entretenue a permis de transporter les troupes et leur a prêté un concours et un appui sans lesquels rien n’aurait pu se faire. Malgré des pertes considérables, les troupes brésiliennes ne semblent avoir montré aucun symptôme d’indiscipline ; ce sont elles qui ont accompli avec bonheur l’opération périlleuse du passage d’un grand fleuve, et qui à l’Estero Bellaco et à Tuyuti ont rétabli le combat, compromis d’abord malgré la bravoure du général Florès. Quant au président du Paraguay, le pouvoir absolu exercé sans contrôle, avec assez peu de souci de l’opinion publique pour ne publier aucun bulletin, aucune nouvelle de la